Pour le collectionneur argentin Anibal Jozami, l’art rime avec l …






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Art contemporain

« L’art, c’est comme une drogue, à la différence près que cela ne nuit pas à la santé. Cela fait mal à votre portefeuille, mais du bien à celui de vos enfants plus tard.”

art

Christian Boltanski – Monument (1987), collection Jozami.

Il est des collectionneurs d’art contemporain pour lesquels la dimension sociale et politique prime. L’art n’est pas pour eux un objet de vanité mais de réflexion. Aníbal Jozami est de ce bois-là. Cet Argentin d’origine libanaise mène deux vies parallèles, l’une dans le milieu des affaires et de la politique, en dirigeant notamment la revue Archivo del Presente, l’autre dans le secteur académique, en tant que président de l’Université nationale du 3 février, sise dans la banlieue nord-ouest de Buenos Aires.

L’art s’immisce très tôt dans sa vie. Etudiant, il visite les galeries. En 1974, en pleine ébullition politique argentine, alors qu’il est au chômage, il se rend régulièrement chez un marchand et finit par acheter deux tableaux, qu’il paye lorsqu’il retrouve un emploi. “Quand j’ai commencé, l’Argentine était déterminée par les crises économiques et politiques, rappelle-t-il. Mais il y a une constance dans mon pays, l’appétit culturel. Il y a toujours eu une classe moyenne en Argentine, à la différence d’autres pays d’Amérique latine. Et après la crise, elle s’est reconstituée.” Une fois le virus de la collectionnite inoculé, difficile de l’endiguer. “C’était le commencement du vice, sourit Aníbal Jozami. J’achète, j’achète, mais je ne vends jamais. J’ai une relation amoureuse avec les œuvres, je ne peux pas m’en défaire. L’art, c’est comme une drogue, à la différence près que cela ne nuit pas à la santé. Cela fait mal à votre portefeuille, mais du bien à celui de vos enfants plus tard. Les vrais collectionneurs ne sont pas riches, ils sont passionnés, ils font beaucoup d’efforts.”

Il monte simultanément deux collections, l’une à vocation encyclopédique d’art brésilien, uruguayen et argentin de la fin du XIXe siècle à nos jours, l’autre de photos et vidéos internationales, commencée il y a une décennie. Depuis qu’il a rencontré voilà neuf ans son épouse Marlise, le volant brésilien s’est nettement enrichi. Ces deux ensembles, riches au total de 800 pièces, sont en grande partie installés chez lui.

Un sens des responsabilités
Aníbal Jozami ne se contente pas de thésauriser. “J’aimerais que la collection soit publique, soit à travers d’un espace, soit en la montrant dans différents lieux, insiste-t-il. Je suis convaincu que l’art argentin est important. Mais en raison du manque de politique de diffusion et de loi de mécénat, il n’est pas connu. Nous avons eu des crises économiques successives, et non un développement continu comme au Brésil. Pourtant, l’art concret a commencé en Argentine dix ans avant le Brésil. L’art social argentin a commencé en même temps qu’au Mexique.” Cette dimension politique et sociale est patente dans l’exposition de sa collection à Madrid au musée Lázaro Galdiano, un collectionneur du tournant des XIXe et XXe siècle, fou de Goya. Ainsi a-t-il mis en parallèle une photo d’un traité signé en 1879 entre le chef de la tribu de Linares et une photo de 1996 de ses descendants aujourd’hui. Malgré les promesses d’antan, ces derniers vivent dans un bidonville.

“Nos amis nous demandent : “Qu’est-ce que vous allez gagner avec cette exposition ?” Difficile de faire comprendre qu’on peut vivre avec le plaisir, avec des choses qui ne sont pas super chères. Nous avons un amour de l’art comme de la recherche. Il faut avoir un sens des responsabilités dans ce monde où tout va mal”, insiste Marlise Jozami. Et d’ajouter : “Je ne suis intéressée que par les œuvres qui me font penser.” Dans le subtil dialogue créé à Madrid entre la collection de maîtres anciens de Lázaro Galdiano, foisonnant d’œuvres de Murillo, Velázquez, de tapis ou de statuaire médiévale, et celle des Jozami, toute leur philosophie fait jour. “Normalement, un collectionneur veut un lieu de distinction sociale, il veut briller. Le fait de montrer avec une autre collection, c’est susciter des questions, construire d’autres narrations”, remarque la curatrice de l’exposition, Diana Wechsler.

Francophone et francophile
La francophilie du couple ne s’arrête pas à leur français impeccable. Aníbal Jozami est mécène du Centre Pompidou, en participant au cercle international récemment mis en place. Il a ainsi fait une donation de gravures argentines et obtenu de quelques artistes d’autres dons en faveur du musée parisien. En 2012, le collectionneur a invité l’artiste Christian Boltanski à exposer dans quatre lieux à Buenos Aires. “J’ai été très impressionné par sa Monumenta. C’était une œuvre versée sur la mémoire, pas uniquement celle de l’Holocauste. Cela pouvait être interprété, du point de vue argentin, comme les vêtements des disparus et aussi les migrants, à qui on demande d’abandonner leurs vêtements”, explique-t-il. Aníbal Jozami croit d’ailleurs en une résurgence de la scène artistique française. “Ce surgissement de la France est aussi important pour nous, souligne-t-il. Du point de vue argentin, la France a eu une grande influence culturelle. La conception artistique en Amérique latine a toujours eu plus affaire avec la France qu’avec les Etats-Unis.”

Entre tiempos, Presencias de la colleción Jozami en el Museo Lazáro Galdiano, jusqu’au 12 mai, 122, Calle Serrano, Madrid.

Par Roxana Azimi

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