C’est à ses abondantes ressources en minerai d’argent que doit son nom le pays du tango et des gauchos. C’est d’or cependant qu’a parlé, durant sa visite en Argentine, un Michel Sleiman décidément en veine d’inspiration ces derniers temps.
Pour commencer, c’est une bonne dose d’espoir dans l’avenir de la mère patrie, dans sa capacité de braver les tempêtes faisant rage au Moyen-Orient, qu’a insufflée le président aux Argentins d’origine libanaise. D’espoir mais aussi de fierté ; à l’adresse de la présidente Fernandez de Kirchner qui faisait l’éloge de la communauté syro-libanaise, Michel Sleiman a ainsi tenu à souligner le caractère spécifique du pays du Cèdre, même si c’est en turcos, que l’Amérique du Sud avait accueilli pêle-mêle, au début du siècle dernier, les immigrants venant de diverses provinces de l’Empire ottoman.
Mais c’est surtout quand il est passé de l’histoire à la géographie la plus actuelle que le chef de l’État, qui clôture en Uruguay sa tournée dans cette partie du Nouveau Monde, a, avec le plus d’éloquence, mis les points sur les i. Non content de rappeler aux autorités de Damas leur obligation de mettre fin aux incursions armées en territoire libanais, il les a appelées à interdire les envois d’armes dans notre pays : allusion on ne peut plus claire aux engins explosifs que ramenait récemment de Syrie l’ancien ministre et député Michel Samaha, affaire à propos de laquelle Michel Sleiman n’a jamais obtenu les explications qu’il disait attendre de Bachar el-Assad.
Plus remarquable encore est la manière dont le président a fixé les conditions très restrictives d’une entrée en action du Hezbollah en cas d’agression israélienne contre le Liban, l’assujettissant en effet à une requête expresse de l’autorité politique, allant même jusqu’à se prononcer pour le désarmement des milices si elles venaient à faire usage de leurs arsenaux sur la scène intérieure, qu’il s’agisse des salafistes ou de la Résistance chiite. À ces propos musclés, le parti de Dieu n’a pas encore réagi, accaparé qu’il est, faut-il croire, par les retombées de deux développements majeurs survenus ces derniers jours.
Le premier est le retour au pays, solennellement annoncé, des premières dépouilles de miliciens tués en Syrie où ils accomplissaient leur divin devoir. Que le Hezbollah prenne part activement aux combats dans ce pays était, c’est vrai, un secret de polichinelle. C’est désormais un fait avéré. Et ce fait ne peut qu’embarrasser au plus haut point un gouvernement Mikati officiellement adepte de la neutralité, félicité en cela par la communauté internationale, et qui compte néanmoins dans ses rangs un acteur revendiquant ouvertement, fièrement même, une contribution à la sanglante répression baassiste.
Le second couac, c’est l’explosion qui a détruit, dans la Békaa-Ouest, un entrepôt du Hezbollah abritant des missiles et autres projectiles. Re-secret de polichinelle que ces arsenaux aménagés dans des régions peuplées, sans grand souci de la sécurité des habitants comme l’a déjà montré dans le passé plus d’un incident similaire. Secret farouchement entretenu néanmoins, puisque les enquêteurs officiels n’ont été admis sur les lieux du sinistre qu’au terme des investigations faites maison. Mais est-ce assez pour embarrasser à nouveau Nagib Mikati ?
Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb