La nouvelle politique économique argentine: aspects monétaires et …

La journée d'hier a marqué la fin nominale du régime de pseudo-contrôle de change à géométrie variable mis en place par le gouvernement précédent. Le dollar "libéré" a monté d'un coup à 14 pesos, soit 40% de dévaluation par rapport au précédent taux officiel.

Ce nouveau taux de marché est en réalité une sorte de moyenne pondérée des multiples taux pratiqués par le gouvernement précédent (du taux de conversion d'environ 8 pesos appliqué aux exportateurs jusqu'au taux de 16 à 17 euros des "cuevas" (bureaux de change illégaux mais tolérés moyennant versement de bakchich) en passant par le "dolar tarjeta" à 12 euros...

Une remise à plat du système inextricable légué par les péronistes était inévitable mais le principal inconvénient de cette dévaluation massive est qu'elle a été annoncée des semaines à l'avance et que les anticipations inflationnistes en ont déjà érodé une partie (ceux qui se souviennent des dévaluations périodiques du franc dans les années 70 et 80 se rappelleront que pour éviter que la spéculation financière ne se déchaîne, ces dévaluations n'étaient évidemment jamais annoncées à l'avance.)

La liberté d'acheter des dollars dont se gargarise tant le gouvernement reste toute relative: les particuliers ne pourront acquérir qu'un maximum 500 dollars par mois (les "cuevas" ont encore de beaux jours devant elles...)

Si l'on prend en compte l'inflation réelle des deux dernières années (entre 20 et 25% par an) et la dévaluation de 10% qui était intervenue en janvier 2014, on peut considérer que la dévaluation qui vient d'avoir lieu correspond à une sorte de remise à zéro des compteurs.

Mais en réalité, une dévaluation qui n'est pas accompagnée d'une politique de stabilisation des prix se retrouve considérée uniquement comme un instrument d'anticipation de l'inflation future plutôt qu'un apurement "pour solde de tous comptes" de l'inflation passée. Or Macri a également promis une libéralisation totale des prix (sauf une courte liste de produits de première nécessité). Du coup, les syndicats réclament déjà 30 à 50% d'augmentation pour les prochaines négociations paritaires...

Pris en tenaille entre ses premiers cadeaux fiscaux (voir le précédent billet sur ce point précis) et la nécessité de trouver rapidement de quoi financer les dépenses courantes de l'Etat et des provinces, Macri a mis plusieurs autres fers au feu:

- malgré ses dénégations et ses dénonciations antérieures sur les caisses prétendûment vidées par le gouvernement précédent, il va piocher dans les 26 milliards de réserves laissées à la Banque Centrale par le gouvernement précédent,

- il va chercher de l'argent auprès des prêteurs institutionnels internationaux et compte s'adresser bientôt aux marchés financiers (mais ceux-ci risquent de se faire tirer l'oreille tant que le contentieux avec les fonds-vautours n'est pas réglé, ce qui coûtera inévitablement encore quelques milliards de dollars),

- il va faire marcher la planche à billets (de nouvelles coupures de 200 et 500 pesos vont bientôt sortir (et je suppose que l'on n'y verra pas la tête d'Eva Peron... Personnellement, j'aimerais bien que le futur billet de 500 pesos soit à l'effigie de Roberto Arlt); or le principal avantage d'avoir limité la plus haute coupure à 100 pesos était de compliquer le fonctionnement de l'économie au noir, mais cela ne semble plus vraiment une priorité malgré le volontarisme affiché officiellement en matière de lutte contre le narcotrafic et le crime organisé...)

Bref, l'inflation et l'endettement extérieur risquent de repartir de plus belle... comme aux plus beaux temps d'Alfonsin, Menem et De La Rua, dont les fantômes sont autant de mauvaises fées rodant autour du berceau de cette nouvelle Argentine qui ressemble si terriblement à l'ancienne.

Je discuterai dans un autre billet les conséquences de cette dévaluation sur l'économie argentine, ainsi que les mesures plus stratégiques de relance de l'investissement et de la production que le nouveau gouvernement est en train d'adopter pour essayer de limiter les dégâts de sa politique de libéralisation financière.

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