Carrefour quitte la Colombie: le café et l’addition

Partir à la conquête de nouveaux territoires est toujours plus valorisant que d’organiser la Retraite de Russie. Georges Plassat, le nouveau PDG de Carrefour, se sentait sans doute par nature plus l’âme d’un conquistador que d’un Napoléon au lendemain du siège de Moscou. Mais les circonstances en ont décidé autrement. A la tête d’une armée sur la défensive, il sait qu’il sera jugé sur sa capacité à organiser le repli en bon ordre pour, peut-être, un jour repartir de l’avant.

En attendant, après avoir vendu ses activités à Singapour et en Grèce, Carrefour quitte désormais la Colombie. Si les deux premières filiales n’étaient pas du premier choix et ont été cédées le moins mal possible, concernant la troisième, il s’agissait d’une autre paire de manche et Georges Plassat se savait attendu au tournant.

La Colombie est en effet une des économies sud-américaines les plus dynamiques. La distribution y est en plein essor. Présent dans le pays depuis 1998, Carrefour est numéro deux du marché, mais très loin du leader, Exito, dont le français Casino détient 60% du capital. Au fil des ans, focalisé sur ses difficultés en Europe, Carrefour s’est laissé distancer dans ce pays prometteur, qui vient de doubler l’Argentine en termes de richesse nationale.

Au milieu du guet, n’ayant plus les moyens d’investir pour revenir dans la course avec Exito, Carrefour n’avait d’autre choix que de chercher preneur pour les 17,7% de parts de marché qu’il détient en Colombie. Une occasion en or pour le chilien Cencosud, qui cherche au contraire à accélérer son développement en Amérique du sud.

Comme ce qui est rare est cher et que l’américain Wal-Mart se tenait en embuscade, Cencosud n’a pas lésiné sur le prix. L’affaire a été rondement menée, en quelques semaines, presque sur le rythme: «le café et l’addition». Le groupe chilien savait qu’il s’agissait d’une opportunité qui ne se représenterait pas, tandis que Carrefour n’avait pas envie de faire durer le plaisir, alors qu’il traîne une dette de près de 7 milliards d’euros et que la relance des affaires en France va être gourmande en capital.

Quant à l’addition, la valeur de Carrefour en Colombie a été négociée sur la base de 2 milliards d’euros, soit 20 fois le résultat d’exploitation (ebitda), alors que la moyenne des transactions dans le ratio dans lesecteur dépasse rarement les 12 fois. D’où l’enthousiasme de la Bourse de Paris, vendredi 19 octobre: l’action Carrefour s’est envolée de 5,85% à 18,35 euros. Sur la semaine, la valeur a bondi de 13%, du jamais vu depuis le printemps 2009. Comme quoi, on peut se replier sans que cela se transforme nécessairement en Berezina.

 



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