Argentine: Cristina Kirchner, fragilisée par la mort du procureur …



- -/AFP La présidente argentine Cristina Fernandez lors d'une allocution télévisée le 26 janvier 2015 à Buenos Aires

Que l'enquête conclue au suicide ou à l'assassinat, la présidente argentine Cristina Kirchner apparait fragilisée par l'affaire Alberto Nisman, procureur mort quelque jours après l'avoir publiquement accusée d'entrave à l'enquête sur l'attentat de l'AMIA (85 morts en 1994).

C'est vers Cristina Kirchner et son gouvernement qu'ont convergé les soupçons quand la mort d'Alberto Nisman a été rendue publique, au matin de son intervention très attendue devant le Congrès, le 19 janvier.

D'après l'institut de sondage IPSOS, deux tiers des personnes interrogées considèrent qu'Alberto Nisman, en charge du dossier de l'attentat à Buenos Aires contre la mutuelle juive AMIA depuis 2004, a été assassiné et un quart croit au suicide. Les premiers éléments de l'enquête suggèrent un suicide.

Le politologue Rosendo Fraga juge que l'affaire Nisman va nuire durablement à Mme Kirchner, à la tête d'une coalition de centre-gauche, déjà durement critiquée par l'opposition.

Il note une communication gouvernementale hâtive, à chaud. La thèse du suicide "imposée dès les premiers instants par le secrétaire à la Sécurité (Sergio Berni) et réaffirmée par la présidente dans une lettre sur Facebook", puis "l'abandon de cette thèse de manière brutale, occasionnent un coût politique pour la présidente, mais il est encore difficile de le mesurer".

La présidente, qui intervient pourtant souvent à la télévision, est restée en retrait alors que la majorité des Argentins étaient horrifiés et en état de choc, se contentant de deux lettres postées sur son compte Facebook. Elle a tardé 8 jours avant de prendre l'antenne pour annoncer la dissolution des services secrets, dont elle accuse un secteur d'avoir précipité la mort de Nisman, pour porter préjudice au gouvernement.

- 'Une ligne a été franchie' -

"L'image de la présidente est altérée au niveau national. Après la mort de Nisman, les gens ont perçu quelque chose d'obscur, ils ne croient pas au suicide. Si l'enquête établit que c'est un suicide, je ne sais pas si les gens vont y croire", note la sociologue Agustina Varas Mestre, de l'Université de San Juan.



Alejandro Pagni/AFP "Nous sommes tous Nisman" écrit sur une banderolle lors d'une manifestation le 28 janvier 2015 à Buenos Aires

"En terme d'image et de perception négative, estime-t-elle, le mal est fait. Reste à savoir si cela aura un impact dans les urnes".

A neuf mois de l'élection présidentielle du 25 octobre, ajoute Rosendo Fraga, "il est clair que le cas Nisman crée une situation politique qui porte préjudice à n'importe quel candidat du pouvoir et qui bénéficie à l'opposition".

Après 12 ans de présidence de Nestor (2003-2007) et Cristina Kirchner (2007-2015) les Argentins semblent aspirer à un changement. Les trois favoris de la présidentielle du 25 octobre cherchent à incarner ce renouveau: Daniel Scioli, poids lourd de la coalition péroniste au pouvoir mais brouillé avec Mme Kirchner, Sergio Massa, dissident kirchnériste, et le maire conservateur de Buenos Aires Mauricio Macri.

Dans la politique argentine, prévoit la politologue Mariel Fornoni, "il y aura un avant et un après-Nisman, une ligne a été franchie, avec un affrontement sans précédents entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire".

Elle perçoit "une crise de confiance dans les institutions en général", dans un pays rongé par la corruption, où l'impunité est généralisée pour les crimes de droit commun, alors que les tortionnaires de la dictature (1976-1983) ont été jugés et emprisonnés.

D'après son institut de sondage Management and Fit, 70% des Argentins pensent que la mort du procureur ne sera jamais élucidée et que les responsables ne seront pas inquiétés.

Cristina Kirchner, qui achève en décembre son deuxième et dernier mandat, a commis "des erreurs politiques" et s'est exprimée sur l'enquête, au mépris de l'indépendance de la justice, générant "encore plus de confusion", selon Mme Fornoni.

Jusqu'ici, le pouvoir a répondu aux critiques en dénonçant des "tentatives de déstabilisation" et en affirmant que l'accusation du procureur Nisman, puis sa mort, étaient un n-ième complot visant Cristina Kirchner.

Allié de l'Argentine kirchnériste, le président bolivien Evo Moralès, s'est fait écho de cette théorie en dénonçant "une agression politique, une embuscade contre la camarade Cristina".

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