Varallo, souvenirs de finale

Varallo, souvenirs de finale

Très peu de personnes peuvent se vanter d’avoir assisté aux débuts de la Coupe du Monde de la FIFA et encore moins d’y avoir participé. Mais pour l’ancien international argentin Francisco Varallo, c’est du vécu. Décédé en 2010 après avoir fêté son centième anniversaire, il n’avait que 20 ans lorsqu’il a disputé la finale historique de la Coupe du Monde de la FIFA, Uruguay 1930 au stade Centenario de Montevideo où l’Argentine s’inclina 2:4 face au pays hôte.

Après la Coupe du Monde, Varallo connut huit ans de gloire avec Boca Juniors. Longtemps détenteur du titre de meilleur buteur de l’ère professionnelle du club avec 181 buts en 210 matches, son record ne fut battu qu’en 2008 par Martín Palermo.

Les anciens évoquent encore les tirs puissants de Varallo, ses instincts de renard des surfaces et son excellente humeur. Comme FIFA.com avait pu le constater, sa générosité se traduisait par l’absence de souvenirs chez lui, à La Plata. Les photos et les objets étaient tous récents et aucun n’était lié au football. "Papa est très généreux", explique sa fille. "Il a tout donné. Quand un journaliste venait, il lui donnait ses photos. Il a donné ses maillots à des amis. Il n’a rien gardé. Quand le musée de Boca Juniors l’a sollicité, il n’avait plus rien à donner…"

A l'occasion du 85ème anniversaire de la finale de la Coupe du Monde de la FIFA 1930, FIFA.com ouvre la boîte à souvenirs et vous présente l'interview qu'il nous avait accordée en 2010.

M. Varallo, quels souvenirs gardez-vous de la première Coupe du Monde ?
C’était comme un rêve devenu réalité. La sélection argentine était fantastique. J’avais joué un seul match avec elle, deux mois avant le mondial. Je n’étais qu’un garçon et j’étais émerveillé par les joueurs comme Luis Monti, Manuel Ferreira, Guillermo Stábile… Avant, les entraîneurs ne s’exprimaient guère, c’était le joueur le plus expérimenté qui composait le onze de départ. Le jour de mon premier match contre la France, j’ai demandé au capitaine Ferreira le style de jeu à adopter et il m’a dit : "Joue comme tu sais le faire, fais ce que tu veux". Et tout s’est bien passé.

À 45 minutes près, l’Argentine aurait été le premier pays champion du monde…
Je m’étais blessé au genou contre le Chili, donc je n’ai pas joué la demi-finale contre les États-Unis ; on me préservait pour la finale. J’avais mal, je n’aurais pas dû jouer la finale, mais quand on veut tout donner pour son pays… Je me suis démené en deuxième période et je l’ai senti dans le genou. On n’était plus que dix et pendant le match, on a eu deux autres blessés… Il n’y avait pas de remplacement : on était réduits à huit. Mais les Uruguayens nous ont battus de manière honnête, il n’y a rien à dire… À huit contre 11, on n’avait aucune chance ; ils ont pris le dessus en deuxième période. C’est indiscutable !

Au cours des 80 dernières années, le football a beaucoup évolué. En quoi consistaient votre régime alimentaire et vos entraînements ?
Dans les années 1930, on s’entraînait trois fois par semaine ou moins. Mais je m’entraînais aussi tout seul parce que j’étais très persévérant. À La Plata, j’allais courir dans un parc et à Buenos Aires, on me laissait m’entraîner seul sur le terrain de Boca. Je m’entraînais encore récemment ; je bougeais tout le temps, j’aimais ça.

Pour l’alimentation, on n’avait pas de nutritionniste. La seule recommandation de Stábile était d’éviter de manger des sandwiches au salami. J’ai toujours mangé de manière équilibrée et variée. J’avais un régime typiquement argentin riche en viande. Avant un match, je me resservais. Roberto Cherro me demandait : "Panchito, pourquoi tu manges plus que nous ?" Je lui expliquais : "Parce que sinon je ne marque pas". La nourriture était saine et nous donnait de l’énergie. Il n’y avait pas d’alcool, ni de tabac. Pas de sodas. Les gens mangeaient moins de pâtes qu’aujourd’hui. C’était sûrement un bon régime parce que j’ai encore toutes mes dents. Les gènes y sont sans doute pour quelque chose, mais je n’ai jamais été gros et j’ai gardé ma musculature. Je n’ai jamais fait de bilan de santé pendant ma carrière. Les progrès accomplis dans ce domaine sont fantastiques. Je ne me suis jamais pleinement remis de ma blessure à la Coupe du Monde en Uruguay. Aujourd’hui, les joueurs récupèrent très vite après une intervention, c’est incroyable : ils remarchent dès qu’ils sortent du bloc !

À quoi ressemblait la vie d’un footballeur ?
J’ai grandi dans une famille de classe moyenne avec mes parents et mes trois frères. On n’a jamais manqué de nourriture et on a tous pu faire des études. Les vacances n’existaient pas. À l’époque, les gens allaient à la campagne ou à Buenos Aires, c’était toute une excursion, la capitale avait beaucoup de curiosités à offrir avec ses théâtres et ses galeries. J’ai commencé à aller à Mar del Plata dans les années 1930. Il fallait faire 400 km de piste. J’aillais nager là-bas, j’adorais la mer. En jouant pour Boca, j’ai pu m’acheter une voiture. J’ai toujours aimé la vitesse. J’ai conduit au-delà de mes 80 ans sans jamais user les freins ! Il me fallait quatre heures pour arriver à Mar del Plata. Évidemment, avant il y avait moins de voitures sur la route.

Avez-vous conscience de l’importance de votre rôle dans l’histoire de la Coupe du Monde de la FIFA ?
Je trouve incroyable que les jeunes sachent qui je suis. Quand j’étais en France, les Allemands, les Polonais, les Anglais, les Suisses… ils voulaient tous me rencontrer et étaient empreints de passion et de respect. Je reçois encore des lettres à la maison, parfois même des cadeaux. Ces gestes inoubliables me comblent. Tout ça grâce au football ! Ici, à La Plata, tout le monde me connaît : les plus âgés, les jeunes, les enfants… ils me saluent tous. J’ai été nommé "citoyen d’honneur". Maintenant que je suis âgé, je reçois plus d’hommages que jamais, il faut croire que je suis encore quelqu’un d’important… !

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