Pourquoi le football sud-américain est-il le plus romantique ?

Alors que les schémas tactiques européens s’enlisent dans la monotonie depuis quelques années, ceux pratiquées en Amérique du Sud semblent plus convenir à une idée plus passionnelle que se font les puristes. La présence de beaucoup de joueurs d’exception explique aussi en grande partie cet amour.

« De l’ordre naît la liberté ». Cette phrase prononcée par Cesar Luis Menotti en dit long sur le football de l’AmSud. Légende du football argentin puisque architecte de l’Argentine championne du monde en 1978, Menotti pensait qu’une base solide pouvait permettre de pratiquer un football champagne une fois la contre-attaque mise en route. Un dogme encore vrai aujourd’hui avec des exemples longs comme le bras.

Un Carlos Sanchez avec la Colombie, un Aranguiz avec la Roja chilienne ou un Biglia avec l’Argentine sont indispensables et c’est en partie grâce à eux que l’amour du jeu sort du bois. Pourquoi ? Parce que ces joueurs de l’ombre permettent aux enganches de régaler le public. Déchargés de tout travail défensif, les enganches ont ensuite tout le loisir de diriger le jeu à leur guise. Ainsi, un Juan Roman Riquelme ou un Enzo Francescoli, des joueurs loin d’être rapides mais capables de transpercer une défense sur une passe sont restés dans la mémoire collective.

Quelque part, leur immense talent reconnu et adulé en Argentine et en Uruguay ne l’a jamais été en Europe. Utilisé à gauche par Van Gaal au Barça, Riquelme s’est quelque peu relancé à Villarreal mais son expérience européenne tient plus du fiasco que de la réussite. Pour le « Prince » Francescoli, hormis son titre de champion avec l’OM en 1990 et son prix de meilleur joueur étranger de D1, ses expériences à Cagliari et au Torino n’ont guère été flamboyantes. Second choix de Gérard Gili à Marseille, habitué au milieu de tableau en Italie, c’est peu dire que Francescoli a raté le virage européen. Mais les artistes sud-américains sont comme des poètes incompris et donc marginaux car hors-normes.  Le retour au bercail (Boca pour Riquelme, River pour l’idole de Zidane) a déchaîné les passions à chaque fois au point d’amener les dirigeants à les « présenter » sur la pelouse d’un stade plein comme un œuf.

De la sueur, une ferveur incroyable et des guerriers…

Si certains joueurs pratiquent le football sans être particulièrement passionnés, d’autres ne vivent que pour le ballon rond et cela se ressent lorsqu’ils foulent les pelouses. Ainsi, lorsque Ronaldinho arrive au PSG il est très vite mis au ban à cause d’une vie nocturne agitée. Mais dès lors que l’ancien du Gremio enfile les crampons, c’est un régal et aucun de ses gestes n’est calculé.

C’est l’instinct qui prime et sa période dorée au Barça l’a prouvé. Pas de calculs d’apothicaires pour le brésilien qui s’il doit faire une passe du dos, il le fera. Plus au sud du continent, les argentins, uruguayens voire  les chiliens sont prêts à mourir pour leur équipe. Quoi de plus normal lorsque la rencontre se joue dans une ambiance indescriptible et que la « patrie » est en danger.

Car l’amour du jeu, c’est aussi la guerre psychologique et d’usure que peuvent se faire les joueurs. L’intimidation, le don de soi à 1000% et la sueur sont autant de facteurs qui créent des idoles. Prenons Marcelo Bielsa et sa méticulosité maladive. Dans la plupart des clubs français, sa méthode l’aurait fait volé en éclats mais ce n’est pas un hasard si El Loco est un demi-dieu au Vélodrome. Parce que culturellement, le don de soi est peut-être la qualité première que le supporter marseillais recherche chez ses favoris.

Dernier point sur lequel il est important d’insister, le fait que nombre de joueurs sud-américains soient appelés par leur surnom. La bruja (Veron), Pipita (Higuain), el conejo (Saviola) ou encore el guerrero (Arturo Vidal) sont autant de moyens pour les afficinados de montrer leur amour envers les joueurs et en allant même plus loin, de se les approprier.

Souvenez-vous de Martin Palermo et de ses trois penalties ratés face à la Colombie en 1999. La presse se déchaîne, le public dit de lui que c’est un traître à la nation. Dix ans plus tard, c’est lui qui envoie l’Argentine au mondial sud-africain grâce à un but inscrit à la 93ème minute. Détesté par la moitié du pays car joueur de Boca Juniors, El loco devient une idole. Une tragédie grecque comme seule l’Amérique du Sud peut en créer. Une certaine forme de romantisme en somme…

Jérémy Robert

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