Pays-Bas: l’ombre de la dictature argentine plane sur la future reine

Ce lien avec la dictature est si encombrant que le père de Maxima, Jorge Zorreguieta, n'avait pas été convié au mariage de sa fille, sous la pression de la classe politique néerlandaise, et n'avait donc pas pu conduire Maxima à l'autel quand elle a épousé le prince d'Orange Willem-Alexander en 2002 à Amsterdam.

Toujours indésirable, il n'assistera pas non plus à l'intronisation de son gendre, le 30 avril, quand sa fille deviendra reine des Pays-Bas.

Lors d'une interview diffusée à la télévision néerlandaise deux semaines avant l'intronisation, Maxima a dissimulé sa peine: "Il s'agit d'un moment constitutionnel lors duquel mon mari deviendra roi et non, mon père n'y a pas sa place s'il y a de telles questions qui sont soulevées".

Par le passé, elle avait confié avoir souffert de l'absence de ses parents lors de son mariage.

Fidèle serviteur de la dictature du général Jorge Videla, Jorge Zorreguieta a été successivement son vice-ministre (1976-1979), puis son ministre de l'Agriculture (1979-1981).

30 000 disparus, 30 000 fleurs

Pendant que le père de Maxima siégeait au gouvernement, les opposants au régime disparaissaient à travers le pays. Souvent torturés, parfois jetés depuis des avions. Les organismes de défense des droits de l'homme dénombrent 30.000 disparus. Deux plaintes ont été déposées contre lui pour la disparition d'un médecin et d'une biologiste dépendant de son ministère, mais il n'a jamais été inculpé par la justice argentine.

De nombreux dignitaires de la dictature ont été jugés et condamnés en Argentine, dont le général Videla, qui purge une peine de prison à perpétuité pour crimes contre l'humanité.

L'ex-ministre âgé aujourd'hui de 85 ans affirme qu'il ne savait rien des atrocités commises par le régime du général Videla, la plus féroce des dictatures militaires d'Amérique latine. "Il y a des cas concrets de gens qui lui ont demandé de l'aide pour retrouver des disparus et il ne les a pas aidés", affirme à l'AFP Gonzalez Guerrero, co-auteur avec Soledad Ferrari du livre "Maxima, une histoire vraie".

En 2006, la princesse Maxima est allée à la rencontre des Grands-mères de la place de Mai, mouvement emblématique de la dénonciation des crimes de la dictature.

"Oui, nous nous sommes réunies avec Maxima (...) C'était une réunion très positive. Car elle a démontré que la question des droits de l'homme ne la laissait pas indifférente. Elle a une grande sensibilité et m'a semblé très intelligente, beaucoup plus liée à l'Argentine que ce que j'imaginais", a confié à une journaliste de l'AFP Estela de Carlotto, présidente de l'organisation.

Maxima, 41 ans, a dû renoncer à la nationalité de ses parents pour satisfaire aux convenances du royaume batave et ne peut pas s'exprimer en espagnol en public, mais cela n'entame en rien son aura en République argentine, où on se réjouit du destin royal d'une enfant du pays.

Estela de Carlotto a reçu un appel de l'ambassadeur des Pays-Bas lui indiquant que Maxima souhaitait la rencontrer.

L'entrevue avec les Grands-mères de la Place de Mai est restée secrète, comme toutes les activités de Maxima à Buenos Aires, sa ville natale, ou dans la région de Bariloche, au pied de la Cordillère des Andes, où elle se rend régulièrement en vacances.

"Le changement de Maxima a été impressionnant et lui fait honneur. Elle a vécu son enfance dans une bulle où on disait qu'il n'y avait pas de disparus en Argentine et que les militaires avaient gagné une guerre contre la subversion. Elle est arrivée aux Pays-Bas en pensant cela et a défendu son père publiquement. Mais il y a eu un déclic et elle a commencé à se poser des questions et à enquêter ce qui s'était passé dans le pays", selon l'auteur argentin.

AFP

Leave a Reply