L’Iran et l’Argentine engagés dans un dialogue périlleux

L'Argentine et l'Iran ont décidé de reprendre, fin novembre, les pourparlers sur l'attentat contre la mutuelle juive de Buenos Aires, qui avait fait 85 morts et 300 blessés en 1994. Un premier round de discussions s'est tenu à Genève, lundi 29 et mardi 30 octobre. Selon le ministère argentin des relations extérieures, ces échanges ont été "positifs en vue d'atteindre les objectifs fixés par les deux pays le 27 septembre à New York", en marge de l'Assemblée générale des Nations unies, lors d'un entretien entre les chefs de la diplomatie des deux pays.

L'enquête de la justice argentine attribue l'attentat contre le siège de l'Association mutuelle israélite argentine (AMIA) à des dignitaires iraniens, avec l'aide de leurs alliés du Hezbollah libanais. Cette attaque est l'acte terroriste le plus grave de l'histoire argentine, pourtant émaillée de violences.

Selon les enquêteurs, Téhéran aurait voulu punir l'Argentine, après la décision de Buenos Aires de suspendre un accord de transfert de technologie nucléaire à l'Iran. Les Iraniens sont soupçonnés d'être également responsables de l'attentat contre l'ambassade d'Israël à Buenos Aires, en 1992, qui avait fait 29 morts et 242 blessés.

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En 2006, l'Argentine avait lancé des mandats d'arrêt internationaux contre huit Iraniens. Parmi eux figurent l'actuel ministre de la défense, Ahmad Vahidi, l'ancien attaché culturel de l'ambassade à Buenos Aires, Moshen Rabbani, et l'ancien ambassadeur Hadi Soleimanpour, devenu vice-ministre des relations extérieures.

Actuel ministre de la défense et ancien dirigeant de la force Al-Qods, Ahmad Vahidi (ici en mars 2008) est recherché par Interpol pour son implication présumée dans des attentats perpétrés en Argentine dans les années 1990.

Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a consacré beaucoup d'efforts à resserrer les liens avec l'Amérique latine, grâce aux bons offices de son homologue vénézuélien, Hugo Chavez. Désireux de tourner la page, il a tendu la main à la présidente argentine Cristina Kirchner, qui a accepté d'engager le dialogue sur l'affaire de l'AMIA.*

THÈSES CONSPIRATIONNISTES

Selon le ministère argentin des relations extérieures, le but des conversations est de trouver "une solution mutuellement accordée pour tous les aspects du cas AMIA". En d'autres termes, chercher une issue "compatible avec le cadre légal des deux pays". Buenos Aires avait évoqué la possibilité d'un procès dans un pays tiers, comme dans l'affaire de l'avion de la Pan Am détruit par des Libyens à Lockerbie (Grande-Bretagne), jugé aux Pays-Bas en 2000.

Mercredi, Téhéran a jeté un froid sur l'avenir des négociations. Ramin Mehmanparast, porte-parole du ministère des relations extérieures, a rappelé que l'Iran "condamne le terrorisme et rejette les accusations contre ses citoyens". Et d'ajouter que Téhéran était "prêt à participer à une enquête approfondie sur l'affaire de l'AMIA pour découvrir ceux qui étaient réellement derrière" l'attentat. Cette insinuation renvoie aux thèses conspirationnistes, qui n'hésitent pas devant l'idée d'un "auto-attentat" ou d'une manipulation des services secrets israéliens.

Buenos Aires abrite une des principales communautés de la diaspora juive : les premiers immigrés en provenance du Yiddishland européen s'étaient établis dans la pampa argentine dès le XIXe siècle. Les pourparlers avec l'Iran suscitent l'inquiétude des proches des victimes de 1992 et 1994, qui ne cessent de réclamer justice depuis près de vingt ans.

Le président de l'AMIA, Guillermo Borger, a vivement réagi à la déclaration du porte-parole de Téhéran. A son avis, le dialogue entre les deux pays, "c'est fini". "L'Iran n'est pas fiable", a-t-il précisé. Aldo Donzis, dirigeant de la communauté juive, a averti le gouvernement argentin que les décisions de justice "ne sont pas négociables".

La position de Téhéran "est une nouvelle offense contre tous les Argentins, car elle ne prend pas en compte tout le travail réalisé par la justice argentine pour présenter des preuves irréfutables qui impliquent des fonctionnaires et d'anciens fonctionnaires iraniens dans l'attentat contre l'AMIA".

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