Les Malouines argentines : une «honte totale» pour Miguel …


Au forum Libé, ce samedi 30 mars, Miguel Benasayag dédicace son livre Fabriquer le vivant ?, aux cotés de Michel Rocard. On en profite pour lui poser quelques questions sur l’actualité de l’Argentine. «On est tranquilles, il n’y a que Rocard qui va signer !» plaisante-t-il, avec son accent chantant.

Le Français, il l’a appris en exil, loin de son port de naissance, Buenos Aires. Ses jeunes années de militantisme au sein de la guérilla guevariste se sont terminées dans les geôles de la junte militaire. Il en sort en 1978, et pose ses valises à Paris où il vit toujours, et exerce son métier de psychanalyste.

En ce moment ont lieu à Buenos Aires les plus grands procès jugeant les personnes impliqués dans la dictature (68 inculpés). Vous sentez-vous concerné ?

Je suis concerné à travers mon histoire personnelle. J’ai été enlevé, torturé, enfermé lors de la période de la dictature. Ma compagne de l’époque fait parti des disparus. On m’appelle donc pour témoigner à la barre, par exemple dans un cas où 18 camarades ont été massacrés.

Est-ce que c’est quelque chose de symbolique ce procès, est-ce un voile qui se lève sur la dictature argentine ?

C’est un moment très important parce qu’il est fondateur de la démocratie en Argentine. Nous (les anciens guérilleros) aurions pu tuer les tortionnaires, ils étaient libres, sans garde du corps. Il n’y a pas eu de vengeance, de justice sommaire. Mais pas d’oubli non plus. Et c’est ça qui est important : il existe une démocratie, pas seulement pour les victimes, mais aussi pour les assassins. Pour moi, c’est la plus grande réussite ; de savoir que ces gens là, qui vont en taule, sont jugés équitablement.

Ce temps qui est passé, entre les faits et les procès, vous semblait important pour que disparaisse ce sentiment de vengeance ?

Non, le temps est passé parce que les différents gouvernements ont couverts les évènements. Il s’est passé beaucoup trop de temps.

Il y avait un tabou ?

Non, il n’y avait pas de tabou. Il y avait des livres publiés, des documents, des films, tout le monde était au courant. Mais la justice ne prenait pas ses responsabilités, pour des raisons politiques.

En ce moment il y a une polémique autour du nouveau pape argentin, qui aurait noué des liens avec la dictature. Qu’en pensez-vous ?

Le pape François est quelqu’un qui a eu une attitude de jésuite. Comme Marie-Monique Robin l’a montré dans ses livres, l’Eglise argentine était très liée à la dictature. Le pape François n’était pas parmi les plus proches de la dictature, loin s’en faut. Mais il s’est tu, il n’a pas eu de positions courageuses. Il y a eu un évêque assassiné, donc certains responsables de l’Eglise ont pris des risques.

Lui, il s’est arrangé pour rester dans une frange indécise, ce qui n’est pas très héroïque, même pas du tout. Mais je ne pense pas qu’on puisse dire que c’était un collabo. Il aurait pu être moins dans l’entre-deux. En revanche, c’est quelqu’un a beaucoup lutté contre la pauvreté.

La présidente Cristina Kirchner a relancé la polémique sur l’appartenance des îles Malouines, britanniques, et revendiquées par l’Argentine. Jeudi 28 mars, elle a tweeté : «Un territoire anglais à plus de 12 000 kilomètres de distance ? Cette thèse ne pourrait même pas être soutenue devant une crèche d’enfants de 3 ans». Sans parler de la légitimité ou non de sa position, ne serait-ce pas une manœuvre pour resserrer les rangs derrière elle à un moment où elle est vivement critiquée ?

A chaque fois en Argentine qu’un régime a des problèmes, il parle de ces maudites îles. Les Malouines, c’est la honte totale. C’est le pire instant de ralliement des nationalismes les plus stupides. C’est vraiment lamentable que Cristina, qui connaît beaucoup de problèmes très graves aujourd’hui, trouve les mêmes ressorts que la dictature pour regagner le soutien de la population. La vérité c’est que c’est une honte.

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