Leonardo Favio, cinéaste, acteur et star de la chanson, est mort en …

Auteur et interprète argentin aux multiples talents, malade depuis plusieurs années, Leonardo Favio était devenu l’ombre de lui-même, avec de brèves apparitions publiques, la tête toujours couverte pour dissimuler la perte de ses cheveux. Affaibli, une pneumonie l’a finalement emporté, lundi 5 novembre, à Buenos Aires, à 74 ans.

Leonardo Favio laisse des empreintes aussi contrastées que ses différents admirateurs.

Pour les plus nombreux, dans toute l’Amérique latine, c’était sa voix enjôleuse qui primait : il était un des grands interprètes de la chanson romantique, souvent sirupeuse, parfois déchirante, l’auteur de tubes indémodables comme « Fuiste mia un verano » (1968).

Pour les péronistes, il était un fidèle indéfectible.

Né Fuad Jorge Jury, dans la province de Mendoza, à Lujan de Cuyo, le 28 mai 1938, il avait été abandonné par son père. Il n’a jamais oublié l’action sociale du général Juan Peron, pour lequel il avait un attachement affectif, digne d’un père de substitution : il lui consacrera d'ailleurs un interminable documentaire, au titre significatif, Peron, sinfonia del sentimiento (1999).

Sous son nom artistique Leonardo Favio, il était parti à Buenos Aires pour tenter sa chance. Il avait à peine vingt ans, lorsque Leopoldo Torre-Nilsson, le maître du cinéma argentin, le prend sous son aile. Figure paternelle, Torre-Nilsson lui apprend tout du métier d’acteur et de celui de réalisateur. Favio devient un jeune premier atypique, ombrageux, inquiétant, avec une sorte de rage ou d’angoisse contenue, bref un comédien moderne, à la manière des névrosés de l’école de l’Actors Studio, un Montgomery Clift par exemple.

Pour les cinéphiles, Favio reste un des paumés de El secuestrador (1958), un des films les plus originaux et méconnus de Torre-Nilsson.

Mais on le voit aussi dans les titres plus classiques du réalisateur, Fin de fête (1960) et la Main dans le piège (1961), ou encore La terraza (1963), El ojo de la cerradura (1966), Martin Fierro (1968).

Entre-temps, poussé par Torre Nilsson, Leonardo Favio passe derrière la caméra et devient, en quelques années, un auteur culte du Nuevo Cine, le nouveau cinéma argentin des années 1960.

Cronica de un niño solo (Chronique d'un enfant solitaire, 1965), son premier long métrage, a peut-être des souvenirs d’enfance, mais constitue sans doute une des meilleures expressions du néo-réalisme latino-américain, inspiré par l’impact prolongé du cinéma italien d’après-guerre.

Imprévisible, Favio cinéaste opère un premier tournant qui va l’éloigner de la matrice néo-réaliste. La distanciation, l’ascèse formelle empruntent d’abord à la narration populaire, avec El romance del Aniceto y la Francisca (1967), surprenant succès dont il tirera un faux remake plus baroque, Aniceto (2008). Son film suivant, El dependiente (1969) est plus austère, une épure presque, mais extraordinaire dans son portrait d’un employé qui se pourfend dans ses petites misères.

Ensuite, Favio change complètement de registre. Juan Moreira (1973) est une évocation haute en couleurs d’un personnage de légende.

Nazareno Cruz y el lobo (1975) franchit un pas supplémentaire vers l’imaginaire. Les films de Favio sont au top du box-office argentin.

Soñar, soñar (1976), le titre suivant, « rêver, rêver », semble énoncer désormais son credo. Peu lui importe si la critique ne suit plus, l’Argentine toute entière s’enfonce dans le chaos et les règlements de comptes sanglants, couronnés par la nuit noire de la dictature militaire et ses milliers de disparus.

L’épouse de Favio, l’actrice Maria Vaner, un des visages les plus attachants du Nuevo Cine, avait été une des premières à quitter le pays, menacée par l’Alliance anticommuniste argentine (Triple A), les commandos parapoliciers créés avec la bénédiction du général Peron pour faire le ménage dans les rangs de l’extrême gauche. Le couple se sépare, tandis que Maria s’établit en Espagne, Favio reste en Amérique du Sud, près de son public.

Lors de son retour d’exil, le réalisateur parvient à réconcilier une dernière fois le public et la critique avec le film Gatica, El Mono (1993), une autre légende, cette fois d’un boxeur qui avait su gagner le cœur des Argentins. Un mythe à la mesure de Favio, prêt à encaisser tous les coups pour rester debout.



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