L’Argentine, virtuose de la lutte contre l’impunité

La dictature militaire, entre 1976 et 1983, a fait 30 000 victimes.

Aujourd’hui, quelque 1600 personnes font l’objet d’enquêtes, 787 sont poursuivies, et 302 ont été condamnées. (EPA/KEYSTONE)

Le pays a été loué cette semaine à Genève pour ses actions contre les criminels de la dictature militaire. Il est devenu un modèle en matière de lutte contre l’impunité sous la pression de sa société civile





Alors que l’un des procès majeurs liés aux années de plomb est en préparation en Argentine, le pays a été loué cette semaine à Genève lors de son examen périodique universel devant le Conseil des droits de l’homme, pour sa lutte acharnée et efficace contre l’impunité. En vertu de l’ampleur du processus judiciaire mis en place depuis 2006 pour poursuivre et juger les responsables d’exactions commises durant la dictature militaire de 1976 à 1983, le pays fait même figure de modèle en la matière.

Prévue en cette fin octobre, l’ouverture du procès sur les exactions perpétrées au sein du centre de torture de l’Ecole de mécanique de la Marine, qui doit permettre de faire la lumière sur les «vols de la mort» au cours desquels les victimes du régime étaient jetées vivantes à la mer, a été repoussée au 28 novembre «en raison d’un changement de procureur», précise Rodolfo Yanzon, l’un des avocats des plaignants.

Relativement courants dans les procédures en cours pour juger les crimes commis durant la dictature, les retards sont pointés du doigt par les organisations de défense des droits de l’homme comme un élément auquel le pays doit remédier pour améliorer encore l’efficacité de sa lutte contre l’impunité. Mais les chiffres parlent d’eux-mêmes, et dépit de certaines lenteurs, l’Argentine est un exemple à suivre: «Aujourd’hui, quelque 1600 personnes font l’objet d’enquêtes, 787 sont poursuivies, et 302 ont été condamnées», relève Lorena Balardini, de l’ONG Centro de Estudios Legales y Sociales de Buenos Aires. Un processus à large échelle, destinés à ratisser bien au-delà des quelques figures de l’élite au pouvoir. Il n’en fallait pas moins, relève-t-elle, pour solder les comptes du régime barbare qui, en sept ans, a fait 30 000 victimes dans le pays, mortes ou disparues.

Mais comment expliquer que l’Argentine réussisse si bien là où tant d’Etats ont échoué à affronter des crimes passés? «C’est un processus de longue haleine, qui a pris trente ans», souligne le juge Carlos Rozanski, président du Tribunal criminel fédéral n°1 de La Plata, de passage à Paris pour une conférence à l’Observatoire de l’Argentine contemporaine. «A la condamnation de la junte sous la présidence de Raul Alfonsin, a succédé la mise en place des lois d’amnistie en 1986 et 1987. Dès lors, poursuit le magistrat, nous avons assisté à une mobilisation quotidienne et très large de la société argentine et des organisations de défense des droits de l’homme pour exiger que cela change.»

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