L’Argentine et le Brésil créent une pénurie de soja

Il n'y a pas grand-chose qui augmente, ces temps-ci, dans le domaine des produits de base agricoles. Le blé et le maïs sont en berne. Le riz est remarquablement stable. Reste le soja, dont le prix s'est établi, vendredi 28 juin, à 15,64 dollars (soit environ 12 euros) la tonne à Chicago (Illinois) pour livraison en juillet, soit une hausse de quelque 14 % en trois mois.

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La petite graine oléagineuse ne sert pas seulement aux fans de la macrobiotique et du wok. Elle est surtout utilisée sous forme de tourteaux pour gaver les porcs, les canards et les poulets avec de bonnes protéines. Notamment en Chine, où l'enrichissement accéléré a dopé la consommation de viandes.

Les investisseurs (autrement dit les spéculateurs) n'y sont pour rien : ils n'ont pas vu venir la pénurie. Il n'y a plus de soja disponible sur le marché et il faut remonter dans le temps pour comprendre la cause de ce déséquilibre.

"La récolte latino-américaine [de 2012] avait été très mauvaise et les Etats-Unis en avaient profité pour exporter massivement leur soja, asséchant ainsi leurs propres disponibilités", explique Renaud de Kerpoisson, président d'Offre demande agricole, société de conseil en gestion du risque des prix. "Ils sont maintenant à court face à une Amérique latine qui fait de la rétention."

OFFRE CONTRAINTE

Car l'Argentine et le Brésil sont empêtrés dans leurs réglementations brouillonnes et leurs infrastructures défaillantes. A Buenos Aires, le gouvernement de Cristina Kirchner a augmenté les taxes à l'exportation, provoquant la colère des agriculteurs. Ceux-ci n'en sont pas, comme en 2008, à décréter un boycott des exports, mais ils font de la rétention en gardant leur soja dans leurs silos, d'autant plus qu'ils s'attendent à une dévaluation de la monnaie, le peso. Peut-être que demain, la petite graine vendue en dollars vaudra plus de pesos qu'aujourd'hui... Sans parler de l'inflation qui accélère et contre laquelle ils cherchent à se prémunir. Décidément, mieux vaut détenir du soja que des pesos.

Au Brésil, le goulot d'étranglement tient aux transports défaillants. Certes, les transports urbains ont mis les Brésiliens dans la rue depuis le 13 juin, mais les installations portuaires ne valent guère mieux et leurs capacités insuffisantes - aggravées par la mise en place d'une réforme du fret routier - gênent la "ferme du monde" pour expédier sa récolte vers les Etats-Unis en manque de graines et de tourteaux de soja. "Conséquence de l'offre contrainte, les usines chinoises de triturations tournent en sous-capacité et le prix des tourteaux flambe aussi", poursuit M. de Kerpoisson. Il a progressé de 6 % sur la semaine du 24 au 28 juin. De plus, la pluie retarde les semis, ce qui annonce un nouveau retard dans les récoltes, et donc des soudures un peu plus problématiques. Le cercle tend à devenir vicieux.

L'autre oléagineux, le colza, subit la même météo et les mêmes retards. Il ne peut servir d'alternative. "Les prix continueront à monter", prédit M. de Kerpoisson. Le magret de canard et le travers de porc aussi.

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