Itinéraire d’un PVTiste heureux

A l'aube de ses 30 ans, Julien Villefranque a déjà été livreur à vélo en Australie, animateur radio au Vietnam, second de cuisine en Nouvelle-Zélande, vendeur de valises au Québec, et même gardien de ranch au Japon ! Le jeune homme n'est pourtant ni agent secret sous couverture ni voyou en cavale et encore moins rentier désoeuvré. Simplement "PVTiste".  

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Mais du genre très acharné. Là où la plupart des jeunes tentent l'aventure de ce Programme vacances travail dans un, voire deux pays, Julien, lui, en a accroché cinq à son tableau de chasse, profitant également de cette formidable opportunité pour s'immerger dans une trentaine de pays en quelque huit ans... Qui dit mieux ? 

L'histoire peu banale de Julien commence en Irlande. Ou plutôt en Lettonie. Titulaire d'un BTS de technicien du son et désireux de parfaire son anglais, il s'envole, un matin de janvier, pour un village de 700 habitants à 70 kilomètres de Dublin, où il devient... jeune homme au pair.  

Une procédure "ultrarapide et gratuite"

À l'occasion d'un week-end, Julien part, seul, à Riga et rencontre un Australien, lui aussi en vadrouille. Autour d'une bière, celui-ci lui vante les mérites d'un système permettant de partir à la découverte des richesses de son immense île tout en travaillant pour financer ses balades. "Dès la semaine suivante, je me renseignais sur Internet, raconte le Toulousain, né à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne). La procédure était ultrarapide et gratuite. En deux jours à peine, j'avais obtenu une réponse positive pour ce PVT ! Deux mois après, je partais pour Perth."  

Il repère son premier job australien ­ réaménager les boutiques des stations BP de la région ­ via une petite annonce. "Ce n'était pas extrêmement intéressant mais j'étais bien payé et ça m'a permis de voir venir." Dans la foulée, le jeune homme de 23 ans devient serveur. Puis coursier. "J'avais envie de quelque chose de plus physique, se souvient-il. J'ai acheté exprès un vélo et, pendant deux mois, j'ai livré des plis urgents, des plans d'architecte, etc. C'était un peu dangereux ­ et la chaleur était parfois insupportable ­ mais j'étais très heureux d'être payé pour faire du vélo, surtout que je pouvais gagner jusqu'à 200 dollars en une journée !" 

Curieux de tout, Julien l'aventurier -­"Je pars toujours "à l'arrache" sans m'être renseigné et sans avoir de logement"-­ carbure aux rencontres. Et à la "liberté". Celle "d'aller où je veux, quand je veux". Le PVT devient rapidement un "tremplin" lui permettant de rayonner dans les pays alentour. Depuis l'Australie, il se rend ainsi en Nouvelle-Calédonie et en Asie du Sud-Est (se lançant notamment dans un mémorable Singapour-Hanoï en bicyclette !) avant de faire les démarches pour décrocher le PVT Nouvelle-Zélande. Il ne passe que 5 mois en pays kiwi, une blessure de ski l'empêchant de chercher du travail et de se renflouer. Il rentre alors en France, où il devient réceptionniste bilingue chez Airbus, à Toulouse. 

Le PVT le plus couru: le canadien

Puis, nouveau départ : le Japon. Une aventure inoubliable, tant la différence culturelle est forte et le job... improbable! "À cause de la barrière de la langue, j'ai mis plus de temps qu'ailleurs ­ environ deux mois et demi ­ pour trouver un boulot, se souvient le routard. Mais un jour, je suis tombé sur une offre d'emploi pour devenir gardien de ranch. Au moment du recrutement, la propriétaire des lieux ­ une expatriée allemande ­ m'a demandé si j'étais déjà monté à cheval. Au culot, j'ai dit oui ! Lors du test pratique, je me suis rappelé les conseils prodigués lors d'une fête de village dans le Lot-et-Garonne. J'avais alors 9 ans et j'avais monté un poney. Contre toute attente, ça a marché !"  

Logé sur place ­ à Kashima, à 120 kilomètres au nord de Tokyo ­ et rémunéré 150000 yens par mois (environ 1200 euros nets), le jeune homme reste quasiment un an sur cette propriété d'un hectare où il découvre les joies du métier de fermier. Et les difficultés de ce quotidien rude et parfois solitaire. 

Après deux mois de "break" en Afrique et un mois entre la Thaïlande et le Cambodge, Julien obtient ensuite le plus couru des PVT, le canadien. Il prend la direction de Montréal où il passe sept mois. "J'ai mis une semaine seulement pour décrocher un job, raconte cet agité déterminé. J'ai postulé dans un magasin où ils cherchaient un vendeur de valises. Je crois que mon CV de voyageur a plu." Payé 12 dollars de l'heure, il y reste le temps d'amasser assez pour se financer une formation... à Las Vegas !  

"Il y a quelques années, on m'avait parlé du métier de cordiste (ou "alpiniste du bâtiment", NDLR). Ça m'intriguait. J'aime les choses extrêmes. Sans doute mon parcours atypique m'amène-t-il à faire des choses atypiques!" Après avoir obtenu son diplôme international, il passe "l'hiver au chaud", à Antigua, au Guatemala, comme serveur. Et en profite pour apprendre l'espagnol. De retour à Montréal, il fait ses premiers pas comme cordiste professionnel en installant notamment des lignes de vie sur le pont Jacques-Cartier ou en nettoyant le Mont Royal, un grand parc au centre-ville.  

30 ans, le cap fatidique est passé

Peu avant ses 31 ans, le baroudeur demande le visa argentin et s'envole pour Buenos Aires. Arrivé en février 2013, Julien n'y fait cependant pas long feu : "La situation économique n'est pas très reluisante dans le pays et le PVT, récent, n'y est pas encore reconnu." Il envoie alors des candidatures "sur toute la planète" (comme il le constate avec contentement : "Le métier de cordiste permet de travailler dans beaucoup de pays !") et répond à des offres au Canada ou aux États-Unis. Mais, sans le visa PVT, tout devient plus compliqué... C'est finalement en Guyane française, puis en Guadeloupe qu'il enchaîne les missions. 

Et après ? Maintenant qu'il a passé le cap fatidique des 30 ans, cet explorateur moderne est malheureusement "trop vieux" pour prétendre au PVT. Qu'importe, il a, on s'en doute, plein de projets en poche. "Mais je repasserai par la France, car ma famille commence à trouver le temps long !" Justement, que pense son entourage de son mode de vie ? "Pendant un moment, on me parlait beaucoup de la retraite, sourit Julien. 

Mais, depuis que le vent a tourné en France, ce n'est plus vraiment le sujet. Sinon, on me dit souvent : "Quelle chance tu as eu !" Mais je l'ai provoquée ! Et je ne changerais rien à mon parcours." Julien ­ qui a déjà rédigé un essai sur son expérience du tremblement de terre au Japon ­ prévoit aujourd'hui de publier son récit de vadrouille. Son titre ? Aller simple. Forcément. 

Pour plus d'informations, atelier sur le PVT au salon Expolangues, porte de Versailles, Paris, le 5 février de 14h à 15h, le 6 février de 12h45 à 13h45 et le 7 février de 15h15 à 16h15. 

PVT, mode d'emploi

Argentine, Australie, Canada, Corée du Sud, Hong-Kong, Japon, Nouvelle-Zélande, Russie et bientôt Brésil : neuf pays ont passé des accords avec la France pour proposer aux jeunes de 18 à 30 ans (35 ans au Canada) un visa vacances-travail. Pendant leur année PVT (la formule canadienne passe à deux ans en 2015), les bénéficiaires ont la possibilité d'occuper un emploi et de se déplacer à leur guise dans le pays. 

Si l'Océanie est davantage une destination vacances, "le PVT Canada est le plus professionnel car nous partageons la même langue", fait remarquer Julie Meunier, du site PVTistes. net. Sauf que le précieux sésame doit s'arracher de haute lutte : en 2013, le quota de 6750 places a été atteint en quatorze minutes! Un schéma bien différent de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, où aucun numerus clausus n'est fixé. Quant à l'Argentine et à la Russie (500 places chacun), au Japon (1500), à la Corée (2000) et à Hong-Kong (200), les paliers sont rarement atteints. 

"Attention, un PVT ne signifie pas forcément une année merveilleuse, prévient Julie Meunier. Certaines personnes reviennent prématurément par manque d'argent, à cause d'un coup de blues ou parce qu'elles n'ont pas aimé le pays..." Mieux vaut donc partir sans trop d'attentes. Et avec un budget suffisant pour assurer ses arrières les premières semaines. 

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