Fonds vautours : la chasse aux actifs argentins va redoubler

Les fonds vautours vont accéder à des documents sur les biens de l'Argentine à l'étranger.
La reprise des négociations s'annonce tendue.


Alors qu'ils attendent toujours d'être remboursés par l'Argentine, les fonds vautours ont une raison de se réjouir : la justice américaine vient de leur donner un droit d'accès à des informations concernant les biens de l'Etat argentin à l'étranger. Les banques, dont le principal établissement public Banco de la Nacion, et d'autres entités liées à l'Etat vont devoir leur fournir les documents qu'ils demandent, même ceux relatifs aux biens diplomatiques et militaires.

Grâce à cette décision, les fonds vautours - qui ont acheté des obligations argentines à prix cassé et obtenu le droit d'être remboursés à 100 % - vont identifier et localiser des biens ou comptes du pays qu'ils pourront potentiellement saisir. Une manière pour eux de compenser le manque à gagner qui, dans cette bataille, s'élève à 1,3 milliard de dollars (hors intérêts).

Les saisies d'actifs représentent le nerf de la guerre pour ces créanciers qui poursuivent des Etats en faillite devant les tribunaux. En mettant la main sur des biens publics, ils ont un moyen de pression sur les gouvernements. C'est la raison pour laquelle la chasse aux actifs argentins par les fonds vautours - notamment Elliott, le redoutable fonds du milliardaire américain Paul Singer - dure depuis des années. En octobre 2012, ce dernier avait réussi à saisir le « Libertad », un gigantesque navire-école argentin dans les eaux du Ghana. Une prise qu'il a toutefois été obligé de relâcher deux mois plus tard.

Une ingéniosité sans bornes

Elliott a aussi tenté de mettre la main sur les avoirs de la Banque centrale argentine aux Etats-Unis ou sur des revenus de Total, BNP Paribas et Air France destinés à Buenos Aires. En vain. D'une ingéniosité sans bornes, cette année le fonds a lancé des recherches dans le Nevada sur les comptes de Lazaro Baez, un homme d'affaires proche de la présidente Cristina Kirchner, soupçonné par la justice argentine d'avoir détourné de l'argent public.

Le feu vert donné par la Cour américaine le 23 décembre devrait donc permettre aux fonds vautours de redoubler leur traque et aidera Elliott à mieux reconstituer le circuit des flux financiers liés à la République argentine, comme il s'y efforce depuis toujours.

Côté argentin, la décision de la justice a évidemment fâché. L'avocat du pays a dénoncé une manoeuvre inédite : « On n'a jamais demandé à un Etat de remettre les clefs de sa défense, de sa sécurité nationale, de son armée, ni celles des biens personnels de son président et des représentants de l'Etat. » La Cour a toutefois précisé qu'elle n'autorisait pas des saisies mais un simple accès à des informations pouvant conduire à des saisies (qui devront être avalisées par un juge). Elle reconnaît aussi qu'il faudra se montrer vigilant concernant les demandes de documents sensibles.

Ce dernier rebondissement n'est pas de bon augure pour 2015. L'Argentine, qui a préféré suspendre le paiement de tous ses créanciers plutôt que de verser 1 dollar aux fonds vautours cette année, risque de ne pas vouloir infléchir sa position. Les négociations qui doivent reprendre en janvier s'annoncent tendues.

Isabelle Couet, Les Echos

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