Fonds vautours en Argentine: "La restructuration de dette impossible"

"C'est une histoire très longue", rappelle Xavier Dupret pour qualifier les déboires financiers du Trésor argentin. "Elle date de 2001 déjà, époque où l'Argentine était au bord de la banqueroute, et en défaut de paiement volontaire. Une période d'instabilité politique, avec la succession de quatre présidents, de la contestation sociale". Lorsque Nestor Kirshner est élu en 2003, rappelle l'économiste, "il va commencer une négociation et obtenir un premier accord pour une décote de la dette, puis en 2009, même chose. Et au total, 97% des créanciers vont adhérer aux termes de la négociation". Résultat: ces créanciers renoncent finalement donc à 65% du montant des dettes.

L'ordonnance américaine est "éminemment dangereuse"

Mais des fonds vautours vont attaquer l'Argentine devant les juridictions pour se faire rembourser la valeur nominale des obligations, poursuit Xavier Dupret. Ces obligations représentaient 48 millions de dollars. "Aux termes du procès intenté, en 2012, l'Argentine doit non seulement rembourser la somme mais aussi des intérêts de retard et des pénalités. Cela revient alors à 1 milliard 300 millions de dollars".

Dans l'ordonnance Griesa, du nom du juge américain qui a statué dans ce dossier, les "fonds vautours" obtiennent donc  gain de cause. C'est-à-dire que "les 97% des créanciers qui ont accepté l'accord avec l'Argentine, et pour lesquels l’argent a été versé ne sont pas prioritaires. Les fonds vautours sont prioritaires".

"C’est éminemment dangereux", poursuit l'économiste. "Ce type d’ordonnance rend pratiquement impossible toute restructuration de dette".

Le problème est assez complexe pour l'Argentine, car si les réserves du pays peuvent lui permettre de régler l'addition (1 milliard 300 millions de dollars), le pays ne peut pas accepter ces conditions car "tous les créanciers qui n'avaient pas accepté les termes de l'accord - les 'hold out' - pourraient alors réclamer les mêmes conditions pour leur remboursement, et cela représenterait  12 à 13 milliards de dollars". Et les réserves de la Banque centrale s'élèvent à 25 ou 30 milliards précise Xavier Dupret.

L'Argentine pourrait se retrouver dans la même situation qu'en 2001

Par ailleurs, "les termes de la renégociation avec les 'hold in' - ceux qui ont accepté la renégociation - sont affectés d’une clause qui spécifie que si les 'hold out' reçoivent de meilleures conditions, les 'hold in', ils devraient avoir les mêmes". Le pays se retrouverait alors dans la même situation de banqueroute qu'en 2001.

L'ordonnance dans ce dossier a été rendue par les tribunaux américains, ce qui est une pratique courante dans les négociations entre pays du sud et créanciers internationaux; ce même droit qui, jusqu'ici protégeait ces créanciers. Mais "aujourd'hui, le droit américain ne protège plus spécialement la majorité des créanciers", puisque les "hold in", c'est à dire 97% des créanciers, se voient dans l'impossibilité de percevoir l'argent déposé par l'Argentine sur des comptes bancaires. "Il y a des 'hold in' américains qui menacent d’attaquer les institutions financières américaines".

La situation économique de l'Argentine n'est cependant pas aussi catastrophique qu'en 2001, précise Xavier Dupret. "La consommation intérieure est dopée par le crédit, mais ce dernier est engagé sur les réserves en dollars générés par les exportations". Et s'il y a moins de réserves aujourd'hui, c'est à cause de la conjoncture mondiale, et donc du f ait que l’Argentine fait face à moins de demande internationale pour ses produits agricoles. "Mais l'année 2015 devrait voir une amélioration", prédit Xavier Dupret.

W. Fayoumi

 

 

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