Exclusif : Mascherano nous reçoit comme un grand Chef

Comme tout le monde le sait, tous les joueurs argentins ou presque ont des surnoms d’animaux. Il y en a de toutes les races, de Messi la puce, à Ayala le rat, en passant par Ortega l’âne ou Claudio Lopez le pou. D’autres footballeurs ont échappé à cette loi implacable. A leur grand bonheur, oserions-nous dire ! Parmi ces joueurs chanceux, Javier Mascherano alias El Jefecito ou le petit Chef. Un surnom qui lui va comme un gant, si l’on croit nos amis argentins pour qui, Mascherano est un leader naturel depuis qu’il était tout petit. C’est lui qui tire l’équipe vers l’avant, quand le besoin s’en fait sentir, c’est lui qui sert d’interlocuteur avec les sélectionneurs, c’est lui qui va raisonner un jeune coéquipier fâché de ne pas être titulaire. En un mot, c’est lui le Chef. Et à Barcelone, il nous a reçus comme tel. Comme un grand Chef.

Des débuts curieux en sélection argentine
Marcelo Bielsa a été le premier à s’en rendre compte. Le 16 juillet 2003, alors qu’il était sélectionneur d’Argentine, il provoqua peut-être l’une des plus grosses surprises de l’histoire de l’Albiceleste en dressant la liste des joueurs convoqués pour une rencontre amicale face à l’Uruguay, à l’occasion de l’inauguration du stade Ciudad de La Plata. El Loco Bielsa, comprenez le fou qui n’a jamais bien porté son surnom que ce jour-là, a osé appeler un jeune milieu de terrain de 19 ans qui n’avait pas encore joué le moindre match avec les professionnels de River Plate, club auquel il appartenait.
Javier Mascherano avait toutes les caractéristiques d’une future grande star du football : sacrifice, placement impeccable dans l’entrejeu, un don de pouvoir s’adapter à tous les schémas tactiques et, surtout, de grandes qualités de leader qui ont poussé Bielsa à miser sur lui pour au moins préparer l’avenir. Et l’avenir, c’était les jeux Olympiques d’Athènes. Un tournoi remporté par l’Argentine avec Mascherano comme titulaire. Un statut qu’il garde toujours. A River Plate, le petit Chef a finalement débuté comme professionnel, 18 jours après avoir honoré sa première sélection avec l’équipe d’Argentine.
 
L’unique sportif argentin à avoir gagné deux médailles d’or olympiques
En le convoquant prématurément en sélection, Marcelo Bielsa a permis à Mascherano de battre un record unique dans les annales du sport argentin. Il est, en effet, l’unique sportif de ce pays à avoir remporté deux médailles d’or olympiques, mieux que Martin Del Potro, Gabriela Sabatini, Carlos Monzon ou Lionel Messi lui-même. Une année après avoir honoré cette curieuse première sélection, Mascherano a remporté la médaille d’or olympique, aux JO 2004 d’Athènes. Quatre ans plus tard, et en compagnie de ses jeunes coéquipiers Messi, Higuain, Di Maria, Aguero, il remettra ça à Pékin-2008, devenant ainsi le seul sportif à avoir offert à l’Argentine deux médailles d’or olympiques. Des distinctions méritées pour sa régularité et ses sacrifices.

Le plus bel hommage lui vient du meilleur joueur de tous les temps
Mais le plus bel hommage lui viendra du meilleur joueur de tous les temps. Nous sommes en mars 2008 et Diego Armando Maradona venait juste de prendre en main la sélection argentine. Juan Roman Riquelme, alors star de l’Albileste, n’est plus ce qu’il était, à cause des blessures à répétition et Diego devait prendre une décision à son encontre. Toute l’Argentine retenait son souffle en face de la télé locale où Maradona était l’invité d’une émission très suivie là-bas et où il devait annoncer, pour la première fois, la mise à l’écart de Riquelme. Les gens voulaient surtout savoir comment il allait le faire et Maradona l’a fait de la manière la plus inattendue en mettant en avant un autre joueur. Extrait : «Pour mériter de porter le maillot numéro 10 de l’Argentine, il faut être le maître du ballon sur le terrain et Riquelme n’est pas en mesure de porter ce maillot. D’ailleurs, je ne sais pas encore qui va être en mesure de le faire. Pour moi, le seul titulaire, c’est Mascherano, c’est lui le leader. Je dirais même mieux, dans mon équipe, il y a Mascherano et dix autres joueurs.»  L’une des plus belles marques de confiance qu’un entraîneur puisse faire à un joueur. Cela n’a pourtant jamais ébranlé Mascherano qui revient sur cet épisode au cours de l’entretien ci-contre

Capitaine de l’Argentine depuis 2008
Avant de le considérer comme le seul titulaire de la sélection argentine, Maradona avait fait de Mascherano son capitaine, dès son premier match sur le banc de l’Albiceleste. C’était à Hampden Park de Glasgow face à l’Ecosse et Diego n’a pas hésité à enlever le brassard à une icône, Javier Zanetti, pour le remettre à un autre Javier : Mascherano. Réaction de l’intéressé : «Zanetti sait le respect que je lui voue à lui et à tous les anciens qui m’ont aidé à mon arrivée en sélection, comme Ayala ou Heinze. Je serais injuste de ne pas me rappeler qu’ils étaient là lorsque j’avais besoin d’eux. Le brassard n’est qu’un détail, mon comportement ne changera pas car il ne sert à rien d’être un grand joueur sur le terrain et une m… en dehors.» Sans commentaire.

Mascherano : «En Coupe du monde, le Brésil et l’Espagne seront un cran au-dessus»
Tout est simple dans le comportement de Javier Mascherano. De son jeu sobre à une touche de balle, à sa facilité déconcertante à s’adapter à tous les schémas tactiques en passant par sa manière de s’habiller faites de jeans-baskets plutôt que de tenues extravagantes que raffolent les footballeurs. Lorsqu’il nous a reçus à la Ciutat Esportiva du Barça dans la banlieue de Barcelone, Mascherano portait un jean légèrement délavé, un pull demi-saison marron clair et des chaussures sport noires. Bref, il était habillé comme n’importe quel quidam rencontré dans les rues d’Alger ou d’ailleurs. Une simplicité traduite tout au long de l’interview qu’il nous a accordée dans un joli décor avec comme arrière plan, le terrain d’entraînement du meilleur club du monde à l’heure actuelle. Là où s’entraînent tous les jours Messi, Xavi, Iniesta, Neymar, Dani Alves, Fabregas, Piqué et toutes les méga stars du Barça.

Bonjour Javier, on va entrer dans le vif du sujet avec le prochain Mondial qui se profile à l’horizon et un adversaire africain, le Nigeria, que vous allez rencontrer pour la troisième fois en Coupe du monde…
En effet. Il n’y a qu’en 2006 qu’on n’a pas rencontré le Nigeria. Sinon, depuis 2002, on les trouve à chaque fois sur notre chemin. Sans oublier les deux finales des jeux Olympiques jouées contre le Nigeria en 1996 à Atlanta où ils nous avaient battus et en 2008 à Pékin où on avait pris notre revanche. Il paraît que notre destin est lié à celui de cette équipe (sourire), puisqu’il n’y a pas longtemps, nous les avons affrontés en match amical au Bangladesh. C’est un adversaire qu’on connaît par cœur et qui nous connaît par cœur aussi. Nous connaissons les qualités de cette équipe qui est championne d’Afrique en titre. Ce sera donc un adversaire difficile, comme la Bosnie, l’Iran et d’ailleurs toutes les équipes présentes en Coupe du monde. Au-delà du fait que tout le monde pense que l’Argentine est dans un groupe accessible, on va quand même faire très attention et prendre au sérieux tous nos adversaires. Vous savez, les matchs, il faut les gagner sur le terrain, on va donc faire les choses de la meilleure des manières pour nous qualifier.
Ç’aurait pu être plus compliqué pour l’Argentine, non ?
En effet. Ça peut toujours être pire, mais au-delà de ce que pensent les gens, on se doit de respecter nos adversaires de groupe. Un match n’est jamais gagné d’avance ou sur le papier. On commettrait une grave erreur, si on pensait que le fait de s’appeler l’Argentine nous ouvre dès maintenant les portes des huitièmes de finale. Non, nous avons assez d’expérience pour savoir être humbles et prudents avant un match et ce, quel que soit l’adversaire qui est en face.
Le fait que le peuple argentin attende le titre mondial depuis 1986 ne constitue-t-il pas une pression supplémentaire sur les épaules des joueurs ?
C’est effectivement une pression, mais en fait, ce n’est pas une question de titres, c’est une question de rendement. Le rendement de la sélection ces dernières années n’a pas été en conformité avec les expectatives du peuple argentin. Durant les 24 dernières années, nous n’avons même pas été capables de faire partie des quatre meilleures sélections du monde. Pour l’Argentine, c’est une très longue d’attente. Espérons qu’au Brésil, on fera mieux en plaçant l’Argentine en demi-finale, mais pour cela, il faut beaucoup de travail.
Vous nous paraissez trop prudent, alors que l’Argentine possède l’un des meilleurs effectifs du monde…
C’est peut-être vrai ce que vous dites, mais le fait d’avoir de grands joueurs ne garantit rien dans une Coupe du monde. On doit donner la priorité au groupe, au collectif, avant les individualités. C’est comme ça et pas autrement qu’on sera forts. Ces deux dernières années avec le changement d’entraîneur, il y a eu beaucoup d’améliorations, l’équipe est beaucoup plus solide. Nous avons réalisé un excellent parcours lors des qualifications en Coupe du monde. Il faut maintenant confirmer tout cela pour, comme je vous disais tout à l’heure, remettre l’Argentine à son véritable rang, là où tout le monde s’attend à la voir.
Qui seront les favoris pour remporter la Coupe du monde au Brésil ?
Comme tout le monde, je vois bien le Brésil en tant que pays organisateur, mais aussi parce que les Brésiliens possèdent une grande équipe et ils viennent de remporter haut la main la Coupe des Confédérations. Après, il y aura forcément l’Espagne pour tout ce que cette équipe a réalisé ces dernières années. Un cran au-dessous de ces deux pays, il y aura l’Allemagne, la Hollande, l’Argentine aussi. Mais attention, dans une Coupe du monde, on ne sait jamais, car les vrais favoris, on les connaîtra durant les premiers matchs de Coupe du monde. C’est à ce moment-là qu’on pourra voir dans quelle forme sont les équipes, comment elles arrivent au Mondial, si les joueurs importants de chaque sélection ont atteint un bon niveau. En définitive, il faudra attendre pour se prononcer. Mais à priori, les équipes qui sont au-dessus du lot sont le Brésil et l’Espagne.
L’Algérie est qualifiée en Coupe du monde pour la quatrième fois de son histoire. Pensez-vous qu’elle est capable de passer enfin le premier tour avec des adversaires comme la Belgique, la Russie de Capello et la Corée du Sud ?
La Belgique possède une très bonne équipe, mais ce n’est pas un historique en Coupe du monde. La Russie s’est qualifiée en Coupe du monde avec la manière, dans un groupe où il y avait le Portugal, il faut prendre ça en compte aussi. Mais au-delà de tout ça, je ne vois pas pourquoi l’Algérie ne se qualifie pas au second tour. Vous n’avez pas non plus des adversaires historiques ou des favoris pour gagner la Coupe du monde dans votre groupe. Ne serait-ce que par rapport à cela, vous aurez toutes vos chances.
Vous avez déjà joué contre l’Algérie. Quelle image gardez-vous de ce match Argentine -Algérie du Camp Nou et de ce score incroyable de 4 buts à 3 ?
Ça fait déjà quelques années, non ? Je crois que ce match s’est joué en 2007 et ce qui me reste comme souvenir, c’est que ce match nous servait de préparation à la Copa América au Venezuela. Les choses n’avaient pas bien commencé pour nous, puisque nous étions menés au score à la mi-temps. Nous avons été surpris par la qualité des joueurs algériens et nous avons dû sortir le grand jeu pour reprendre l’avantage. L’image que je garde, c’est le beau spectacle proposé par les deux équipes parce qu’on ne marque pas sept buts tout le temps. Même maintenant, j’avoue que ce fut très dur de vaincre l’Algérie.
Dans la sélection algérienne actuelle, il y a particulièrement un joueur qui est en train de briller dans le championnat espagnol. Connaissez-vous Feghouli ?
Bien sûr que je le connais. Durant ces dernières années, Feghouli est en train de démontrer ses grandes qualités. On parle souvent de ses qualités techniques, mais moi, j’aime aussi sa puissance. Ce mélange de talent et de puissance physique lui a permis de revenir en force en ce début d’année. Feghouli est un joueur connu et reconnu.
Vous le voyez faire le grand saut vers un grand club comme le Real ou le Barça ?
Mais il est déjà dans une grande équipe ! Ici, le FC Valence est considéré comme un grand. Que ce club vive des moments difficiles n’efface pas l’histoire du FC Valence qui reste à mes yeux et aux yeux de beaucoup de gens l’un des grands d’Espagne et d’Europe.
Un jour, Maradona a dit : ‘‘Dans mon équipe, j’ai Mascherano et dix autres joueurs.’’ Que vous inspire cette marque de confiance, sachant que dans le groupe, il y avait Messi et d’autres grands joueurs ?
(Très gêné) C’est clair que je suis reconnaissant par rapport à cette marque de confiance venant d’un très grand comme Diego qui m’a, en plus, donné le brassard de capitaine. Après, ça reste une simple phrase parce que personnellement,  je n’ai jamais vu les choses de cette manière, même si je respecte Maradona et je le remercie pour sa confiance. Dans une équipe de football, un seul nom, un seul joueur ne peut rien faire. Malgré tout et au risque de me répéter, je ne serai jamais suffisamment reconnaissant envers Maradona pour ce qu’il a fait pour moi.
Comment un joueur accepte-t-il de jouer en défense centrale, lorsqu’il a été milieu de terrain durant toute sa carrière et qu’il est en plus petit de taille ?
J’avoue que c’est très difficile, surtout à un certain âge. Si on m’avait demandé de changer de poste au début de ma carrière ou un peu plus tôt, ç’aurait été plus facile, sans doute parce que j’aurais eu le temps de prendre mes repères pour ensuite me perfectionner petit à petit. Moi, j’ai été contraint de changer de poste à un âge pas très avancé, certes, mais après un long parcours comme milieu de terrain. Ce fut un vrai défi pour moi de jouer dans un poste différent et dans un club comme le Barça. Bon, on m’a demandé de le faire et j’ai fait de mon mieux pour le faire de la meilleure manière. En définitive, ce que veut un joueur de football, c’est jouer le plus grand nombre de matchs et si ça doit être dans un poste qui n’est pas le mien, je m’adapterai du mieux que je peux pour être à la hauteur de la confiance de mes entraîneurs.
Dernière question : vous êtes le seul footballeur à avoir gagné deux médailles d’or olympiques, vous avez gagné tous les titres possibles et imaginables avec le Barça. Il ne vous reste que la Coupe du monde. Prendriez-vous votre retraite, si vous gagniez le Mondial au Brésil ?
N’oubliez pas que je suis encore jeune pour prendre ma retraite ! On verra d’ici là. Il faut d’abord gagner la Coupe du monde et ce ne sera pas facile. Ce serait, effectivement, une grande joie si on gagnait le Mondial. Je pourrai être vraiment tranquille, si j’arrive à offrir la Coupe du monde au peuple argentin, car au-delà de tout ce que j’ai pu gagner en sélection et en club, jouer la Coupe du monde et la gagner est un rêve. Et pour concrétiser ce rêve, il faut travailler et essayer de faire les choses de la meilleure manière. C’est un long chemin plein d’obstacles.
On vous souhaite bonne chance !
Bonne chance à l’Algérie également et merci à vous.

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Jorge Valdano au centre d’entraînement du… Barça
Vous n’allez sans doute pas le croire, mais le jour où nous avons réalisé l’interview avec Javier Mascherano et au moment où nous étions dans la salle d’attente, une tête familière est passée devant nous pour rentrer directement au centre d’entraînement du FC Barcelone. C’était Jorge Valdano, l’ancien ailier gauche argentin du Real connu et reconnu comme un vrai madridista. Que fait un madridista dans un centre d’entraînement de l’ennemi juré ? La réponse, on l’a eue juste après l’entrée de l’intéressé qui était suivi par toute une équipe d’enregistrement. En effet et après une riche carrière comme joueur, entraîneur puis dirigeant, Jorge Valdano, appelé le poète pour son éloquence, s’est reconverti avec succès dans le journalisme. C’était donc dans le cadre de son travail qu’il était à Barcelone, un club dont il a toujours loué la philosophie. Ce qui lui a coûté son poste de directeur sportif du Real du temps de Mourinho.

Toutes les stars du Barça sont passées devant nous, sauf Messi
Javier Mascherano nous a donné rendez-vous, après la séance d’entraînement matinale du Barça. Malheureusement pour nous, l’entraînement était fermé à la presse ce jour-là. Il fallait donc attendre la fin de la séance, avant de pénétrer dans l’antre des Blaugrana. Les uns après les autres, les joueurs quittaient calmement le centre d’entraînement pour prendre un ascenseur qui mène directement au parking. Tous sans exception nous ont salués et les joueurs sollicités pour des photos n’ont trouvé aucun inconvénient à le faire. Le seul joueur qu’on voulait voir, à savoir Messi, n’était pas venu. Il a dû prendre un autre chemin pour éviter l’équipe du Buteur. Messi, qui venait juste de reprendre la compétition, après deux mois d’arrêt, ne voulait pas être importuné.

Le Buteur très connu au centre d’entraînement du Barça
Désormais, quand on se présente en tant que journaliste du Buteur au centre d’entraînement du Barça, on est vite reconnu. Le quotidien algérien de football fait désormais partie de la short list de médias très respectés à Barcelone, pour avoir réalisé des interviews avec presque tous les joueurs du Barça (Xavi, Fabregas, Dani Alvès, Piqué, Seydou Keïta, Iniesta et Mascherano) et pour avoir aussi couvert plusieurs matchs importants du FC Barcelone au Camp Nou.

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