El Niño, perturbateur climatique

Anouchka Wittwer

Difficile, en ce mois de décembre, de nommer une région du globe qui soit épargnée par les températures inhabituelles et les caprices parfois violents d’un climat qui semble n’en faire qu’à sa tête. Alors que l’Angleterre et l’Amérique se débattent contre des pluies torrentielles et des inondations sans précédent, l’Australie et une partie de l’Europe sont aux prises avec une sécheresse occasionnant incendies ou pollution exacerbée.

Mais si avancer l’argument du dérèglement climatique s’avère plus que tentant, cette pléthore de catastrophes naturelles ne peut pas être uniquement imputée aux fantaisies impromptues de la météo. Voyage autour du monde avec les explications de Vincent Devantay, météorologue chez Météonews.

Evacuations forcées

Le tableau est bien sombre et désastreux chez l’oncle Sam: tornades et pluies torrentielles font des ravages dans plusieurs Etats américains depuis mercredi dernier, notamment au Texas, au Mississippi et au Nouveau-Mexique. Le bilan est sévère: la violence des intempéries a déjà coûté la vie à une quarantaine de personnes. En Amérique du Sud, les fortes crues dues aux intempéries ont obligé plus de 170 000 personnes du Paraguay, du Brésil, de l’Uruguay et de l’Argentine à quitter leur domicile inondé.

Et le principal responsable de ces désastres météorologiques a un nom: El Niño. «C’est un phénomène qui existe depuis des milliers d’années», explique Vincent Devantay. «Il se traduit par un réchauffement anormal du Pacifique d’environ 3 à 5°, ce qui intensifie l’évaporation de ses eaux.»

D’où les pluies diluviennes qui s’abattent sur l’Amérique du Nord et du Sud en ce moment et, par extension, la période de sécheresse qui a déclenché des feux de forêt en Australie, détruisant une centaine d’habitations. «El Niño revient tous les quatre à six ans et peut durer plusieurs mois, mais ses répercussions sur le climat sont très aléatoires. Elles peuvent se faire sentir très fortement, comme c’est le cas actuellement, ou être plus anecdotiques.»

Mais El Niño n’est pas à l’origine de toutes les catastrophes naturelles qui meurtrissent le globe. «Les inondations que connaissent actuellement les îles britanniques sont la conséquence directe de l’anticyclone qui stagne depuis quelques semaines au-dessus du bassin méditerranéen, du sud et du centre de l’Europe», reprend le météorologue.

En Angleterre, des centaines de personnes ont dû être évacuées. Keystone

«Cette masse d’air sec pousse les précipitations au nord et au sud de cet anticyclone, et ramène chez nous de l’air doux depuis la péninsule ibérique notamment.» D’où les températures exceptionnellement douces pour la saison. «Ce mois de décembre 2015 est effectivement le plus chaud jamais enregistré depuis l’introduction des mesures météorologiques en Suisse, en 1864», précise Vincent Devantay.

L’Espagne doit faire face à environ 130 feux de forêt. Keystone

En Italie, les effets négatifs de cet anticyclone se font également ressentir. En raison d’une pollution de particules fines exacerbée par l’absence de pluie et de vent, les automobilistes de plusieurs villes italiennes ont dû, hier, se plier à de nouvelles règles temporaires de circulation. À Rome, la circulation fonctionnait en mode alterné, à Naples, l’accès aux routes était limité aux véhicules les moins polluants, et à Milan, les véhicules à moteur étaient tout bonnement interdits.

Cette cascade de catastrophes naturelles ne serait donc pas le fruit du réchauffement climatique annoncé? «On ne peut pas l’affirmer avec certitude pour l’instant. Pour être fiables, les moyennes de températures doivent se calculer généralement sur vingt ou trente ans.» Mais selon le météorologue, la responsabilité du réchauffement climatique dans cette amplification de catastrophes naturelles pourra déjà être évaluée dans une dizaine d’années.

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