Dans la cocotte-minute argentine (3/3): les marges de manoeuvre …

Contrairement à ce que serine à longueur d'éditoriaux néo-libéraux la presse de droite, et à ce que le comportement erratique du gouvernement péroniste peut laisser penser, il y a des alternatives à la régression néo-libérale (moins d'impôts pour les riches, moins de charges pour les grandes entreprises, plus de précarité pour les travailleurs) car l'Argentine dispose encore de marges de manoeuvre que bien d'autres pays émergents ou émergés (voire submergés comme notre pauvre France hollando-moscoviciée) pourraient lui envier:

- un secteur primaire agricole ayant une bonne productivité malgré des coûts logistiques élevés (transport) et le poids écrasant des multinationales de l'agro-alimentaire (en particulier Cargill)

- un excédent commercial encore significatif (même si en baisse d'un quart en 2013 par rapport à l'année précédente)

- un niveau endettement faible par rapport aux pays développés (de l'ordre de 45 à 55% du PIB: les statistiques ne sont pas très fiables et le périmètre est flou car le PIB réel est fortement sous-estimé du fait de l'ampleur du "secteur informel") mais contrairement à la France et à l'Allemagne l'Argentine respecterait aisément les "critères de Maastricht" ! (Et le fait que nos chers libéraux n'y attachent plus aucune importance lorsqu'il s'agit de renflouer les banques aux frais des contribuables montre bien que ces fameux critères n'ont de toute façon pas grande signification) ; la relance toute récente des négociations avec le Club de Paris (laissée inexplicablement en jachère pendant des années) en laissant le FMI en dehors du coup est une excellente nouvelle (comme quoi Kicillof ne fait pas que des bêtises même si ce jeune homme parle trop et avec une arrogance contre-productive); de même l'idée récemment lancée de désintéresser les fonds vautours en mettant à contribution les entités financières ayant déjà renégocié leur part de la dette argentine; cet apurement des dettes fédérales aurait pour intérêt de faciliter l'accès des entreprises argentines aux financements extérieurs (avec modération) mais si on l'utilise comme certains l'envisagent déjà pour relancer une politique néo-libérale d'endettement de l'Etat afin de compenser les coupes préconisées dans les recettes (moins d'impôts, moins de charge etc.), la moulinette infernale repartira pour un tour...

- un potentiel de rentrées fiscales encore inexploité (malgré les couinements habituels de la classe moyenne supérieure, le taux marginal maximal d'imposition de 40% doit être apprécié dans un contexte où de nombreux abattements et niches fiscales nuisent fortement comme chez nous à la progressivité de l'impôt; par ailleurs une politique plus active de "blanchiment" du travail au noir (qui représente environ 30% de l'activité) pourrait améliorer les comptes sociaux (et aussi la situation des travailleurs, un détail si négligeable qu'on s'excuserait presque de le mentionner ici)

- une capacité réelle à monter en gamme et à améliorer la part locale de valeur ajoutée dans la production, la transformation et la commercialisation de ses produits (la progression en qualité des vins et des fruits et légumes argentins sur les 20 dernières années en est un bon exemple) sans oublier, dans le nord de la Patagonie (province de Rio Negro) un potentiel de production agro-écologique à haute valeur ajoutée, à condition de savoir résister à l'intense campagne de promotion des OGM par Monsanto et autres, alors que leurs ravages environnementaux dans les grandes provinces céréalières (Buenos Aires, Pampa, Santa-Fe) ne sont plus à démontrer.

- un système de formation universitaire scientifique hélas bien décati mais d'un niveau qui reste encore nettement supérieur à la moyenne des pays environnants, Brésil compris (ce n'est pas un hasard si les multi-nationales du logiciel continuent à développer en Argentine malgré les coûts relatifs élevés et l'imprédictibilité de l'environnement)

Encore faudrait-il construire une stratégie de développement socio-économique à moyen-long terme et s'y tenir: dans les années 1880, le gouvernement de Sarmiento (le seul très grand dirigeant politique que l'Argentine ait jamais eu) a pu construire en seulement 5 ans 5000 km de lignes télégraphiques à travers le pays et multiplier par trois ou quatre la taille du réseau de voies ferrées (encore embryonnaire à l'époque) tout en créant de toutes pièces des milliers d'écoles primaires (Sarmiento fit carrément venir 60 institutrices des Etats-Unis pour lancer la formation d'enseignants argentins.)

Bref ce n'est ni d'un plan FMI ni de "football para todos" que l'Argentine aurait besoin aujourd'hui, mais d'un "Plan Sarmiento" pour rénover en profondeur ses infrastructures et son système éducatif.

Mais pour cela il faudrait une classe politique plus responsable, plus réellement patriotique, moins corrompue et moins pusillanime, donc c'est pas gagné...

 

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