«Ce séjour a changé ma façon de jouer»

«J’ai un peu de mal à me réacclimater», lâche Olivier Forel, tout en arrachant le filtre d’une cigarette qu’il allume dans la foulée. Rentré en Suisse le 31
décembre, l’accordéoniste a passé six mois à Buenos Aires, en Argentine, dans une résidence d’artiste louée par la Conférence des villes suisses en matière culturelle. Un séjour accompagné d’une bourse de 10
000
francs: «J’ai dû attendre 35 ans de carrière pour recevoir une aide directe», sourit le musicien professionnel et ancien conseiller général popiste de Neuchâtel, âgé de 56 ans.

«Du niveau de Paris»

Parti le 6
juillet, Olivier Forel loge donc dans une maison d’artiste située dans La Boca, «un quartier populaire qui a mauvaise réputation, mais qui est truffé d’ateliers d’artistes, de théâtres...» Le musicien n’a pas rencontré le moindre problème. «Mais le soir, avec mon accordéon sur le dos, je rentrais en taxi.»

Le bâtiment lui-même comprend deux étages d’habitation. Le Neuchâtelois dispose d’une chambre et d’un lieu pour jouer, qu’il surnomme «El Cubo» (le cube). «Un local de trois mètres sur trois avec rien dedans, une acoustique incroyable que je ne retrouverai jamais.» Il ne tarit pas d’éloges sur les deux intendants du lieu, qui sont aux petits oignons. «Ils m’ont vite branché avec des gens. Au bout d’une semaine, je jouais déjà dans des clubs.»

Les musiciens autochtones qu’il a rencontrés ont fait forte impression sur l’exilé volontaire: «Ils lisent très bien et ont un haut niveau, en jazz comme en rock, en classique ou en tango». De manière générale, Buenos Aires, ville qu’il juge très européenne, a séduit le Neuchâtelois: «Culturellement, c’est du niveau de Paris.»

Sauf peut-être sur le plan financier: «Pour la culture, il n’y a pas d’argent. Les musiciens professionnels gagnent leur vie comme enseignants ou arrangeurs, ou font d’autres petits boulots à côté». Sachant cela, les choses sont parfois plus détendues: on évite de perdre du temps à négocier un cachet...

Les oreilles ouvertes

Avant de partir, Olivier Forel avait prévu d’écrire une œuvre assez ambitieuse, qui aurait figuré sur un album-concept. «Mais c’était trop chronophage», reconnaît le musicien. «Pendant les trois premiers mois, j’ai beaucoup joué et cherché, mais je n’ai rien écrit. Puis c’est parti et j’ai fait douze compositions.» Des morceaux qu’il a enregistrés en public à Buenos Aires et qu’il présentera lors d’une série de concerts en solo, au théâtre du Pommier (à Neuchâtel), puis au théâtre ABC (à La Chaux-de-Fonds).

Parmi ses meilleurs souvenirs, l’artiste cite un court concert donné dans une belle salle, avant une pièce de théâtre, devant un public de non-initiés: «Il y avait des enfants, des vieux, pas des gens qui vont au concert. Ils étaient scotchés. ça démontre l’universalité du langage musical.» Et d’affirmer: «Ce séjour a changé ma manière de jouer, il m’a ouvert les oreilles.»

A-t-il en tête de se représenter au Conseil général, duquel il a démissionné avant son départ? «Non!», répond-il sans hésiter. Mais dès son retour, il est monté aux barricades pour défendre les bureaux de poste de quartier menacés de fermeture. Chassez le naturel...

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