Attentat de 1994 : compromis entre l’Iran et l’Argentine

Une vive polémique s'est installée à Buenos Aires, au lendemain de l'annonce d'un accord entre l'Argentine et l'Iran créant une commission d'enquête sur l'attentat contre l'Association mutuelle israélite argentine (AMIA), le 18 juillet 1994. Cet attentat avait fait 85 morts et plus de 300 blessés. L'Argentine réclame depuis 2006 l'extradition de huit hauts responsables iraniens, incriminés par l'enquête.

L'attentat contre le siège de l'Association mutuelle israélite argentine, le 18 juillet 1994, avait fait 85 morts et plus de 300 blessés.

C'est sur Twitter que la présidente Cristina Kirchner a annoncé, dimanche 27 janvier, la conclusion de l'accord, qu'elle a qualifié "d'historique" : "Parce que dix-neuf ans après l'attentat contre l'AMIA et, pour la première fois, il y a un instrument légal mis en place entre l'Argentine et l'Iran." Elle a annoncé la création "d'une commission chargée d'établir la vérité, composée de cinq juristes de renom". "Aucun d'entre d'eux ne pourra être de nationalité de l'un des deux pays. C'est une condition indispensable d'indépendance." Elle a indiqué que "les autorités judiciaires argentines pourront interroger, pour la première fois, les personnes recherchées par Interpol". Ces interrogatoires auront lieu à Téhéran. Le document devra être ratifié par les Parlements des deux pays.

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Isolé diplomatiquement, l'Iran s'est lancé dans une offensive diplomatique en Amérique latine, soutenu par son allié vénézuélien, Hugo Chavez, un proche de Mme Kirchner.

LA COMMUNAUTÉ JUIVE A CONDAMNÉ L'INITIATIVE

A Buenos Aires, la communauté juive, la plus importante d'Amérique latine avec quelque 300 000 membres, a condamné l'initiative : "La mise en place d'une "commission pour la vérité", qui n'existe pas dans le cadre des lois argentines régissant le processus pénal, se traduirait par une cession de notre souveraineté", ont dénoncé l'AMIA et la Délégation des associations israélites argentines (DAIA). "Cela reviendrait à reconnaître que les conclusions auxquelles est parvenue l'enquête judiciaire en Argentine, qui ont donné lieu à des mandats d'arrêt d'Interpol, ne constituent pas la vérité", soulignent, dans un communiqué conjoint, les deux associations représentatives de la communauté juive. Le président de l'AMIA, Guillermo Borger, s'est dit "consterné", considérant "inconstitutionnel" cet accord.

Après une interminable et rocambolesque enquête, ponctuée de scandales, la justice argentine avait accusé Téhéran, qui avait démenti, d'être impliqué dans l'attentat. Elle réclamait l'extradition de huit hauts responsables iraniens, dont l'actuel ministre de la défense, Ahmad Vahidi, et l'ancien président Ali Akbar Hachémi Rafsandjani, pour les juger.

L'attentat contre l'AMIA avait été précédé, deux ans plus tôt, de l'explosion d'une voiture piégée devant l'ambassade d'Israël à Buenos Aires, faisant 29 morts et 200 blessés. L'Iran a toujours nié toute participation à ces attentats qui avaient ébranlé, à l'époque, le gouvernement du président péroniste Carlos Menem (1989-1999).

"ÉNORME PAS EN ARRIÈRE DANS LA RECHERCHE DE LA VÉRITÉ"

Plusieurs représentants de l'opposition ont également condamné l'accord avec l'Iran. Les critiques les plus implacables sont venues d'Alberto Fernandez, l'ancien chef de cabinet de Cristina Kirchner, qui a réfuté un par un les points de l'accord. "Une fois de plus, la présidente a présenté comme héroïque une de ses décisions", annoncée avec "orgueil". Pour M. Fernandez, "une nation exprime parfaitement sa souveraineté en jugeant les faits qui ont eu lieu sur sa terre et ont porté atteinte à ses habitants (...), c'est le principe de territorialité établi dans le premier article de notre code pénal".

L'ancien collaborateur de Mme Kirchner juge "insolite" un accord avec des accusés réticents à accepter la juridiction argentine et qui concède, notamment, "que les personnes accusées par les tribunaux argentins puissent être interrogées seulement à Téhéran". S'interrogeant sur les intérêts géopolitiques du gouvernement, M. Fernandez estime qu'il s'agit "d'un énorme pas en arrière dans la recherche de la vérité".

A Jérusalem, le gouvernement israélien s'est dit "surpris". Soulignant que "cette affaire concerne directement Israël", le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Yigal Palmor, a révélé que "dès le début, Israël avait averti l'Argentine que l'Iran tenterait de lui tendre un piège et qu'elle devait faire attention". L'Argentine et l'Iran avaient ouvert ces négociations en octobre 2012, à l'office des Nations unies à Genève.

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