Dans le hall du Sergel Plaza, dans le centre de Stockholm, Pär Zetterberg est installé avec des journalistes suédois pour évoquer la Belgique, «sa» Belgique. Rentré en Suède, à Falkenberg (situé à 100 kilomètres de Goteborg), depuis 2008, l’ancien meneur de jeu d’Anderlecht a retrouvé une tranquillité à laquelle il aspirait, loin des objectifs, après lesquels il ne court pas, tout en restant disponible pour donner son avis. Cela tombe bien, c’est Suède – Belgique ce dimanche… Et le Soulier d’or 1993 et 1997, s’il est inquiet pour le futur de la sélection suédoise, ne tarit pas d’éloges à propos des Diables rouges.
M. Zetterberg, quel regard portez-vous sur la sélection belge?
De ce que j’ai vu, l’équipe belge a fait une campagne extra, parce qu’elle a rencontré des équipes assez dangereuses. Surtout, quand on voit ce groupe, avec des joueurs qui évoluent dans des grandes équipes européennes, qui disputent des matches capitaux en C1, on se dit que le potentiel est important. Courtois en finale de la Ligue des champions; De Bruyne, très fort; Lukaku qui a marqué quelques buts; Fellaini qui est quand même à Manchester United; Hazard… Lui, il ne faut pas faire un dessin, il était dans le top 3 européen, au vu de sa forme, en février-mars. Kompany aussi, c’est le top 3 européen des défenseurs, avec Ramos (Real Madrid) et Thiago Silva (PSG). Il faut être très fort pour jouer dans cette équipe belge… On a fait le compte tout à l’heure: en seizièmes de finale de C1, cette saison, il y avait 11 internationaux belges (NDLR: Courtois, Alderweireld, Van Buyten, Hazard, Witsel, Lombaerts, Defour, Vermaelen, Fellaini, Kompany, Januzaj) contre… un seul Suédois, Ibrahimovic.
La Suède, justement, où en est-elle? Comment l’élimination en barrages pour le Mondial, par le Portugal, a-t-elle été vécue?
Cela s’est joué à peu de chose… Au fait, la Belgique pourrait jouer contre le Portugal, en huitièmes de finale, non?
En effet.
Eh bien, je pense la Belgique capable d’éliminer le Portugal! Il ne faut pas avoir peur. Avec le potentiel qu’il y a dans cette équipe, ça peut passer. La plupart (des joueurs) n’a pas joué de matches de Coupe du monde, et cela peut constituer un désavantage, cela dit.
En Ligue des champions, ce n’est pas toujours le meilleur qui gagne. L’équipe qui a le plus d’expérience n’a besoin que d’une occasion pour marquer. Celle qui en a moins doit parfois attendre sa cinquième ou sixième opportunité pour conclure. Et dans les grandes compétitions, tu n’as pas toujours autant de possibilités…
Mais quand tu vois l’équipe belge sur papier, tu dois passer le groupe (H, avec l’Algérie, la Russie et la Corée du Sud). Après, derrière l’Allemagne et le Brésil, qui sont mes deux grands favoris, c’est ouvert. Je mets la Belgique avec l’Argentine (NDLR: ils pourraient s’affronter en quarts de finale), et les Belges peuvent aussi gagner contre les Argentins.
Quel regard portez-vous sur Vincent Kompany, que vous avez vu débuter à Anderlecht?
Ce qu’il fait est extraordinaire, c’est une carrière fantastique. Être deux fois de suite dans l’équipe-type de la saison en Premier League, vu la concurrence, cela veut dire que ce n’est pas un mauvais joueur (sourire). Quand il est monté en équipe première, il avait déjà tellement de qualités, il était déjà tellement mûr, physiquement tellement costaud. Et puis il avait faim, il en voulait tout le temps.
Un autre jeune qui monte, à Anderlecht, c’est Youri Tielemans. Qu’en pensez-vous?
J’adore le voir jouer… C’est du niveau de Kompany, il sera intéressant à suivre. Il vaut mieux qu’il attende quelques années avant de partir, comme Vincent est resté quelques années au Sporting.
Anderlecht champion avec onze défaites, cela a dû vous sembler étrange, non?
C’est sûr que je n’ai jamais connu un scénario pareil. C’est le système des play-off qui veut ça, il faut faire avec, même si je ne suis pas convaincu. En Suède, dans les années 80 ou 90, ils ont voulu tester une formule de play-off aussi, mais cela n’a pas duré…
Comment jugez-vous le niveau du championnat belge?
J’ai vu cinq matches d’Anderlecht en play-off, et quelques autres (en phase régulière), et je trouve qu’il y a encore du talent. Tielemans, Bruno, Praet, c’est le genre de joueurs qu’on ne voyait pas souvent, avant. Peut-être parce que, comme à mon époque, les meilleurs joueurs venaient de l’étranger. Mais il semble que les clubs belges insistent plus sur la formation, même si c’est toujours un problème de ne pouvoir mettre un jeune de moins de 16 ans sous contrat. Ils peuvent facilement partir à l’étranger. Une bonne Coupe du monde de la Belgique peut aussi donner un coup de projecteur sur le championnat.
Mais 90% de l’équipe nationale joue à l’étranger…
Peut-être, mais au moins on parlera de la Belgique. Cela fait douze ans qu’on n’en parlait plus…
De quelle manière allez-vous suivre la Coupe du monde?
Je vais suivre celle de la Belgique attentivement. Mon fils (Erik, 17 ans), né en Belgique, regarde plus les Diables que la Suède. À la maison, quand les deux nations jouent, je regarde la Suède à la télévision, et lui la Belgique sur l’ordinateur. Il a vu toute la campagne, et connaît presque mieux les joueurs que moi (rires).