¡Vivan las Antipodas!



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Petit rappel d'abord : des antipodes sont des points diamétralement opposés par
rapport au centre de la Terre, rares sur la terre ferme car les océans occupent
la majeure partie du globe. L'idée, simple mais étonnante, du documentariste
russe Victor Kossakovski, est de partir à l'aventure, d'en choisir huit, soit autant
de lieux spécifiques, et d'aller les filmer avec leurs particularités, leurs
histoires et leur vie propre : Chine/Argentine, Hawaï/Botswana,
Russie/Chili, Espagne/Nouvelle-Zélande.

Le résultat forme non pas un
documentaire tel qu'on a l'habitude d'en voir de type social, animalier ou « national-géographique »
mais quelque chose qui se situe entre l'essai contemplatif et le poème
élégiaque, une œuvre étonnante, expérimentale à plus d'un titre, formellement
passionnante, et qui nous plonge dans une nature sauvage, au cœur des l'homme
et du monde sans pourtant tomber dans des dimensions politiques, économiques ou
d'un fort militantisme écologique. Les mots sont rares, les images parlent d'elles-mêmes
à travers le biais du cinéma et Vivan las antipodes devient
simplement un film sur le monde qui nous entoure et sur les différents mondes
dans ce monde. Car ci et là se déroulent à la fois des dizaines de micro-événements
et en somme strictement rien : le monde vu de l'intérieur comme un
organisme en perpétuel mouvement avec des cellules qui se meurent, d'autres qui
naissent. On est face à un film d'observation hypnotique où l'ennui est
impossible.

Il s'ouvre sur cette citation d'Alice au pays des merveilles de Lewis
Carroll, livre qui s'amuse à conjuguer différentes échelles, différents
univers, et des personnages diamétralement opposés eux-aussi mais si proches dans
leur folie : « Je me demande si je vais traverser la Terre, ce serait
drôle d'arriver parmi ces gens qui marchent la tête en bas ! ».
Phrase clé car en plus d'amener les surprises et réflexions qui hantent le
film, comme celles des deux frères argentins qui vivent sur un bac, à la jonction
de deux segments de terre, elle annonce le projet formel du cinéaste.
Kossakovski s'amuse avec les moyens propres du cinéma, de l'incrustation la
plus flagrante aux mouvements de caméra les moins utilisés (surtout dans le
documentaire), du très gros plan au plan d'ensemble, techniques sophistiquées
et primaires, afin de construire un objet aussi étrange que beau fait de rimes,
de symétries, de brisures et de correspondances.

La mort n'est jamais loin, la vie
non plus. Ici, l'amour est un mot qui s'envole au vent dans des paysages aux
teintes vert et ocre entourant le lac Baikal. Là-bas, c'est une baleine échouée
qu'il va falloir enterrer. Un chien disparait, un papillon nait, un arc-en-ciel
colore le ciel, des gens se posent et pensent, flânent et écoutent le temps
perdu. D'autres grouillent en masse comme une fourmilière géante près d'un
fleuve qui disparait dans d'inquiétantes effluves brumeuses, véritable cancer
du monde. Au final, de ces lignes irréelles, émergent l'impression d'un monde
où tous les êtres sont proches dans tous les états possibles : éléphants,
lions et humains peuvent cohabiter, les chiens sont des compagnons de vie et
les animaux répondent aux individus. Une œuvre poignante, où pourtant rien d'autre
ne passe que quelques moments d'existence...

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