Visite de la « Reine Cristina d’Argentine » à Moscou

Vladimir Poutine a accueilli le 23 avril à Moscou la présidente argentine, Cristina Fernandez de Kirchner. Celle que l’on surnomme chez elle la « Reine Cristina » dirige son pays depuis bientôt huit ans. Au cours de ces années, l’Argentine a subi une crise énergétique et sociale, s’est déclarée en faillite, a débattu de scandales et révélations concernant le travail des hauts fonctionnaires. Kirchner elle-même a fait l’objet d’une enquête, cependant toutes les accusations à son encontre ont finalement été levées.

Poutine Cristina Fernndez de Kirchner

Cristina Fernández de Kirchner et Vladimir Poutine, le 23 avril, à Moscou. Crédits : Service de presse du Kremlin.

La Reine Cristina

La veille de l’arrivée de Kirchner à Moscou, le procureur fédéral d’Argentine a levé toutes les accusations qui la visaient. Comme l’indique le communiqué officiel, on n’a pas trouvé, dans les agissements de la présidente argentine, de « corps du délit ». Cette décision conclut l’enquête sur l’attentat terroriste qui avait visé, en 1994, le centre culturel juif de Buenos Aires, et fait 85 victimes. On soupçonnait d’implication dans l’explosion des diplomates iraniens en poste à Buenos Aires et d’éminents responsables politiques de la République islamique d’Iran.

Kirchner, pour sa part, était accusée d’avoir tenté d’obstruer le cours de la justice et de dédouaner les Iraniens – en échange, prétendument, d’accords avantageux sur des livraisons de « pétrole contre céréales » avec Téhéran. Le procureur chargé de l’affaire a été retrouvé mort dans son appartement.

La présidente argentine a dénoncé à plusieurs reprises l’absurdité de ces accusations, soulignant que son pays n’avait jamais acheté de pétrole iranien. Mais la Reine Cristina n’aura désormais plus à se justifier. Les accusations ont été levées. Et, dans six mois, la présidentielle aura lieu dans la république. Kirchner, qui effectue déjà son deuxième mandat, n’est pas autorisée par la loi à s’y présenter.

Cristina Fernandez doit pour beaucoup sa victoire de 2007 et sa réélection en 2011 à son mari : Nestor Kirchner. Au cours de la présidence de ce dernier, le pays a pu surmonter les conséquences de la lourde crise financière qui l’avait ébranlé au début des années 2000. Mme Kirchner est arrivée au pouvoir après que Nestor Kirchner avait rehaussé le niveau du salaire moyen minimum, des retraites et des allocations sociales, tout en baissant les impôts sur la propriété. Cristina bénéficiait du soutien, principalement, des couches pauvres de la population et des ouvriers, dont les conditions de vie s’étaient améliorées au cours du mandat de son époux.

Pourtant, le couple Kirchner n’est pas parvenu à faire redémarrer l’économie argentine, et en 2015, l’Argentine pourrait connaître de sérieux désordres. Les premières actions de protestation de masse ont commencé il y a trois ans : au moment où les représentants du parti Front pour la victoire avaient commencé d’évoquer un éventuel changement de la constitution et la possibilité que le président en exercice brigue un troisième mandat. Les manifestants leur avaient répondu par le mot d’ordre : « Oui à la démocratie, non à la réélection ! ». Les protestataires défilaient avec des affiches affirmant « Tu ne nous fais pas peur », « Je n’ai pas voté pour elle ! », « Nous ne voulons pas suivre la voie du Venezuela et de Cuba ».

La protestation a acquis une vigueur nouvelle en 2014. En juillet, l’Argentine s’est déclarée en faillite et a refusé de payer ses dettes aux hedge funds américains. C’était la deuxième fois en 13 ans. Le PIB réel du pays s’est effondré de 11 %. En outre, l’Argentine, comme d’autres pays extracteurs de pétrole, a subi des pertes liées à la chute des prix des ressources énergétiques. À une époque, ce pays était considéré comme l’un des plus prospères et des plus riches au monde. Aujourd’hui, même comparée à ses voisins, qu’on peut difficilement qualifier de pays prospères, l’Argentine semble faible.

C’est donc en quête de nouveaux crédits que Kirchner a commencé de se rapprocher de la Russie et de la Chine, sans oublier, pour autant, de maintenir des relations amicales avec le Venezuela et l’Iran. Mais une autre circonstance, qui n’est pas de moindre importance, rapproche encore la Russie de la patrie du tango.

Nos Malouines

Parmi tous les pays d’Amérique latine, c’est en Argentine qu’a été accueilli de la façon la plus positive le rattachement de la Crimée à la Russie. Kirchner a accusé ceux qui condamnaient le référendum sur la presqu’île d’user de doubles standards et s’est exprimée contre l’introduction de sanctions antirusses. Elle a comparé le plébiscite en Crimée avec la situation des îles Malouines. En 1982, une guerre avait éclaté entre l’Argentine et la Grande-Bretagne à propos des îles, contestées, qui avait duré 74 jours et s’était achevée par une victoire de la Couronne britannique. En 2013, sur une initiative de Londres, un référendum a été organisé sur les îles, lors duquel les habitants se sont exprimés à 99,8 % pour rester dans le giron britannique.

« Si le référendum se passe en Crimée, c’est injuste, mais si ce sont les Malouines qui votent, tout va bien. Cette position est absolument indéfendable », s’est indignée Kirchner. Avant de souligner que, dès lors, « les puissances mondiales n’ont pas le droit de se poser en garants de la paix ».

Les deux grandes îles et les 200 petites de l’archipel des Malouines, dans l’Atlantique sud-ouest, se trouvent à environ 500 kilomètres des côtes argentines et à plus de 12 000 kilomètres de la Grande-Bretagne. Kirchner a fait part de son étonnement : « De grandes puissances, les États-Unis et la Grande-Bretagne, reconnaissent les résultats d’un référendum sur les îles Malouines, qui se trouvent à des milliers de kilomètres de Londres et, dans le même temps, refusent de reconnaître ceux du référendum en Crimée, qui se trouve à proximité immédiate de la Russie. » Ajoutant, fournissant l’explication elle-même : « La vérité, c’est que les Malouines sont une base militaire nucléaire de l’OTAN dans l’Atlantique Sud – et c’est une vérité qu’ils ne peuvent plus cacher. »

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