Une théologie libérante


Religion

Théologie de la Libération,
pape François,
peuple

Reportage

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Devenu pape, François se nourrit toujours de la théologie du peuple, variante de la théologie de la Libération, né en Argentine dans les années 1970.

Place Saint-Pierre, chaque mercredi matin, le pape François, à bord de sa jeep blanche, vérifie sa très haute popularité. Avant l’audience générale, Jorge Bergoglio salue le peuple, le réconforte, l’encourage. De ses liens, le pape tire une très forte légitimité, sans doute la plus importante à ses yeux. Il y a chez lui, de fait, une sorte de mystique du peuple, liée à une culture politique, celle du péronisme, et à une théologie, la théologie du peuple. 

S’inscrivant dans le courant de la théologie de la Libération, celle-ci est née dans les années 1970 à Buenos Aires, conçue comme une troisième voie entre l’analyse marxiste et l’approche libérale. Elle s’appuie surtout sur la notion de peuple et de culture, en syntonie avec le concile Vatican II qui avait revalorisé le thème du peuple de Dieu, comme définition de l’Église. Comme ailleurs en Amérique latine, elle a mis l’accent sur l’option préférentielle pour les pauvres, un thème cher au pape François.

Mais il n’est pas le seul. Animé d’une sorte d’anticléricalisme, se méfiant des abus de sa propre institution, le pape François accorde une place prépondérante au sensus fidei de la théologie catholique. « Pour savoir ce qu’il faut croire, il faut recourir, selon François, au magistère de l’Église ; mais pour savoir comment il faut croire, il faut recourir au peuple fidèle de Dieu, au sentir du peuple fidèle de Dieu », explique le théologien et philosophe argentin Juan Carlos Scannone, l’un des meilleurs connaisseurs de la pensée du pape.

Servir le bien commun François a gardé une grande proximité avec la nouvelle génération de théologiens argentins, les continuateurs comme Victor Hernandez (l’une des plumes de ses textes pontificaux) ou Carlos María Galli (qu’il a nommé à la Commission de théologie internationale qui siège au Vatican). On en trouve la marque dans son exhortation apostolique Evangelii Gaudium. François, selon Scannone, approfondit des notions centrales. 
Dans la pensée de François, le peuple n’est pas seulement une « masse ».

Disposant d’une mémoire historique, partageant une culture et un style de vie (ce qui fonde une identité), porteur d’une vision d’avenir, il défend le bien commun. « Le peuple est peuple parce qu’il a une responsabilité citoyenne à chaque moment de l’histoire », résume Scannone. Dans son grand texte politique – Nosotros como ciudadanos, nosotros como pueblo (« Nous comme citoyens, nous comme peuple »), publié en 2010 et non traduit en français à ce jour –, Jorge Bergoglio avait déjà fixé les contours de sa pensée. Pour lui, les peuples évangélisés se transmettent la foi, de génération en génération.

Mais cette transmission n’est pas statique. Chaque génération y apporte ses propres éléments. Le peuple, en tant que peuple, participe d’une dynamique politique, culturelle, voire philosophique. Proche d’intellectuels uruguayens qui ont réfléchi à l’identité latino-américaine (dont le catholicisme est, selon eux, l’un des fondements), le pape n’est pas seulement engagé dans la défense des plus pauvres, principales victimes de l’économie financiarisée. 

Dans la logique de la théologie du peuple, il pourfend aussi la globalisation culturelle, destructrice des identités. Dans sa vision géopolitique, le monde devrait être, presque de manière utopique, un polyèdre, c’est-à-dire, contre l’uniformisation de la sphère, être capable de respecter et de s’enrichir des cultures et identités.

Cet article fait partie de notre dossier spécial sur le peuple, que vous pouvez retrouver dans le dernier supplément de TC.

PDF SUPPLÉMENT MENSUEL TC n°3666

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Témoignage chrétien du 28 janvier 2016


Source : TC

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