Un spectre qui hante encore l’Argentine

Figure de proue de la nouvelle génération de cinéastes argentins, enfant pendant la dictature militaire de 1976 à 1983, Pablo Trapero poursuit une œuvre poignante qui reflète les réalités troubles de son pays. Après «Carancho», un film noir sur les bénéfices juteux liés aux accidents de la route, et «Elefante Blanco», une violente plongée dans un bidonville de Buenos Aires, le réalisateur dénonce à nouveau la corruption et les criminels de son pays dans un thriller où l’amour et la mort semblent être les seuls antidotes.

Affaire retentissante

Auréolé d’un Lion d’argent du meilleur réalisateur à la Mostra de Venise et d’un immense succès au box-office argentin, «El Clan» est inspiré de la terrible et véritable histoire du clan Puccio, une affaire qui a connu un grand retentissement médiatique dans les années 80… Membre de la police secrète, un patriarche nommé Arquímedes Puccio dirige des opérations de kidnapping pour le compte de hauts fonctionnaires. Afin d’enlever, de rançonner et de faire disparaître des «ennemis de la patrie» sans éveiller les soupçons, il implique sa famille dans ses crimes. Tandis que sa femme et ses enfants ferment les yeux, il contraint Alejandro, son fils aîné, à le seconder dans ses activités criminelles.

Star nationale de rugby, Alejandro est protégé par sa popularité, ce qui permet au père Puccio de poursuivre ses opérations alors que la dictature commence à vaciller et que le gouvernement tente par tous les moyens de cacher ses affaires crapuleuses.

Ponctué d’images d’archives télévisées, le neuvième long métrage de Pablo Trapero se révèle pourtant moins macabre qu’il n’en a l’air.

Joie ambiguë

Et pour cause! Etirant de virtuoses plans-séquences jusqu’à la rupture, le cinéaste argentin suit le quotidien de cette famille qui vit dans le déni des kidnappés planqués dans la cave en le berçant de moments de joie ambigus et de morceaux rock, ce qui lui permet d’atteindre un équilibre rare entre le thriller sombre et le portrait familial.

Partant, Trapero appose par petites touches les indices d’une famille traumatisée et aliénée par un patriarche machiavélique et déviant. «El Clan» fonctionne alors en plein comme une mise en abîme de la dictature argentine.

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