Partager un savoir-faire unique
Son soufflet est devenu un pont entre l'Europe et l'Amérique Latine. La boite à frissons est le porte-drapeau d'une coopération entre deux villes, Tulle en Corrèze et Paso de los Libres dans la province de Corrientes en Argentine. Ces deux cités, qui ont en commun un héritage riche lié à cet instrument, ses grandes figures et ses festivals, se sont rapprochées depuis 2013.
Elles partagent aussi une histoire d'artisans et d'amour du travail bien fait. À Tulle, l'une des dernières manufactures européennes d'accordéons a failli disparaître récemment, à cause d'ennuis financiers. Aujourd'hui, elle est en train de renaître.
À Paso de los Libres, le destin a été plus cruel. La manufacture de Don Simón Ocampo, le dernier luthier argentin à construire des accordéons de façon artisanale, a disparu dans un incendie en 2006.
Evoluer ensemble
Un musicien et luthier, Pablo Gomez, qui a travaillé dans ce temple argentin de l'accordéon a décidé de recréer une manufacture, mais, en y intégrant des modes de production modernes. Pour avoir plus d'armes dans cette aventure, il était, cette semaine, en immersion dans la manufacture Maugein, dans le cadre de la coopération entre les deux villes.
« Le berceau de l'accordéon, c'est l'Europe. Je suis à Tulle pour apprendre, partager, comparer, faire évoluer ma façon de créer et de travailler », souligne-t-il. Mon entreprise est une petite structure avec un apprenti et deux facteurs d'accordéon en externe. À Tulle, l'organisation de la production permet de fabriquer à plus grande échelle. »
Marie-Christine Dubart, présidente de la manufacture Maugein a accueilli l'entrepreneur argentin à bras ouverts. « Notre rôle est d'aider Pablo à faire de bons choix. On fait de l'accompagnement en ingénierie industrielle, on apporte une aide à la définition d'un cahier de charges précis et à l'organisation des méthodes de production. »
Un accordéon Maugein c'est une mécanique extraordinaire composée de 6.000 pièces dans 8 à 12 kg de bois et d'acier. Il peut être chromatique ou diatonique, alors que son frère argentin est un modèle mixte, associant les deux.
« Ce qui est impressionnant, c'est de voir que même s'il s'agit de deux façons de faire différentes, on arrive au même résultat, explique Richard Brandao, repreneur associé de Maugein et directeur technique. Dans les accordéons argentins, on peut retrouver des similitudes avec des modèles Maugein des années cinquante. On a l'impression qu'ils passent par les mêmes étapes que nous. »
Pablo Gomez a aussi retrouvé dans la manufacture tulliste les mêmes machines. « Sauf que chez nous elles sont un peu plus industrielles, explique Richard Brandao. Nous arrivons à travailler en série, à faire 3 ou 4 instruments en même temps et à "sortir" un accordéon, voire un et demi par jour. Lui, il travaille pendant trois mois sur un seul instrument. »
Des similitudes avec des modèles Maugein des années cinquante
Pour sauver le soldat Maugein, il y a quelques mois, un footballeur international tulliste, Laurent Koscielny a apporté sa contribution financière. Les comparaisons s'arrêtent là. Pablo Gomez constate avec le sourire que, dans son entreprise, il y a peu de chances de voir comme investisseur le plus connu des internationaux argentin, Léo Messi.
Dragan Pérovic
dragan.perovic@centrefrance.com