Sur la réserve pour certains, Messi divise l’Argentine – Football …

“Pecho frio.” Voilà le péché dont serait coupable Lionel Messi selon une partie de ses compatriotes et de la presse de son pays. Pecho frio ? Traduction : poitrine froide. Moins littéralement : ne pas avoir l'amour du maillot, de cœur, de tripes, ne pas sentir qu'une entité collective, l'Albiceleste dans ce cas, mérite un dépassement de soi.

Ecrit dans la foulée de la finale, de la frustration d'une nouvelle défaite, un éditorial d'Olé, institution du journalisme sportif argentin, a posé les bases de la polémique sur le rendement de Messi en sélection. “Le brassard de capitaine n'est pas mis autour du bon bras, a écrit Leo Farinella, directeur de la publication, (…) le meilleur joueur du monde ne nous représente pas dans les moments importants. Sa performance d'hier (en finale) a été, tout simplement, indigne. On peut bien jouer ou non, mais jamais l'on peut marcher et continuer de marcher l'air absent, pendant que tes coéquipiers s'épuisent à la tâche. Etre le meilleur ne donne pas que des droits, mais aussi, des obligations.” La critique est acerbe, sans détour. Sans nuances, aussi. Mais elle reflète bien l'état d'esprit d'une frange des compatriotes de Messi, après une deuxième finale de rang perdue, où la Pulga n'est pas parvenue à enfiler l'habit du sauveur, celui qui allait si bien à Diego Maradona. La comparaison est toujours là, latente ou explicite, quand il s'agit d'évoquer le rendement du quadruple Ballon d'or en sélection. “Dans une chambre, Messi serait le poster, mais Maradona le drapeau” avait écrit Farinella, dès 2012.

Le débat ne date pas d'hier. Depuis que le prodige est en âge d'assumer des responsabilités, l'Argentine s'interroge sur le degré d'investissement de Lionel Messi avec l'Albiceleste. Lui qui a grandi en Catalogne, lui qui marque but sur but en Espagne, là où il a pu accéder au traitement d'hormones de croissance que lui refusait son pays. Lors de cette Copa América, l'Argentin n'a inscrit aucun but dans le jeu, seulement un pénalty, lors du premier match face au Paraguay, et deux tirs aux buts. Un bilan statistique d'apparence malingre, même s'il a été à la source de cinq des six buts des siens face au Paraguay (6-1), en demi-finale. Pour Matías Almeyda, ex de l'Inter Milan et actuel entraîneur de Banfield, il est tout simplement inconcevable de penser que le Messi argentin puisse être aussi performant que le barcelonais. Une question de contexte collectif. “Un jour, ce jeune homme ne va plus vouloir venir, a-t-il déclaré à Fox Sports, on l'a même critiqué parce qu'il ne chante pas l'hymne, on lui trouve toujours quelque chose. Lui n'a pas besoin d'être là. Il vient défendre notre maillot et il le fait bien (…). Mais il est impossible que Messi joue aussi bien avec l'Argentine qu'avec le Barça. Comme son équipe joue mieux que n'importe quelle sélection, il ne peut pas jouer de la même manière.

Almeyda n'est que l'un des moult anciens à avoir pris la défense de la Pulga. Car, dans la foulée de la finale, un véritable bataillon d'avocats de Messi s'est formé spontanément, avec César Luis Menotti, le sélectionneur champion du monde 1978, en doyen du barreau. “Messi a joué de bons matches lors de cette Copa América quand l'Argentine a bien joué, a t-il écrit dans La Vanguardia, il ne peut en être autrement. En finale, je l'ai vu fatigué et le Chili a bien travaillé pour le neutraliser, mais il faut que l'on comprenne une chose une bonne fois pour toutes : une symphonie ne se fait pas avec un pianiste brillant (…), il faut tout un orchestre.” Toujours réticent à ranger Messi dans son carré d'as des meilleurs de l'histoire (Maradona, Di Stefano, Pelé, Cruyff), Menotti ne mégote toutefois pas au moment de jauger de l'importance du Barcelonais pour le présent de l'Albiceleste. “Sans lui, l'Argentine ne se serait pas qualifiée pour le Mondial et sans lui nous n'aurions pas passé la phase de poule en 2014 (…) il faut prendre soin de Messi, pas le critiquer, car sans lui nous n'irons pas au prochain Mondial.

Leo Messi

Champion du monde 1978, lui aussi, mais rayon joueur, Mario Kempes est intervenu sur la même tonalité que son ex-sélectionneur. “Messi ne peut pas tout faire, a déclaré El Matador à El Mundo de Cordoba, il ne peut tirer le corner et placer sa tête. On lui en demande trop (...) Ses coéquipiers devraient être plus vifs pour réagir quand il a besoin d'aide.” Vingt-deux ans sans titre cela agace Kempes, comme toute l'Argentine, mais l'ex serial buteur refuse de faire de Messi un bouc émissaire de sa frustration. Depuis le Mexique, où il évolue depuis son départ de l'OGC Nice, Dario Cvitanich a, lui aussi, réagi à ceux qui ont fait de la finale perdue par l'Argentine une nouvelle pièce à convictions pour instruire le procès de “Leo.” Sur twitter, l'attaquant de Pachuca a publié un texte, pas loin de ressembler à une déclaration d'amour. “Comme collègue (tu me permets de t'appeler collègue, même si ce que tu fais avec le ballon relève de la magie, et que nous autres ne sommes que des joueurs de football, tout du moins nous essayons de l'être) je sais qu'aujourd'hui tu changerais tes milliers de titres et de records pour nous rendre heureux, nous les fans de l'Argentine. (…) Je m'excuse pour ceux qui veulent te voir trébucher, car avec ton incroyable talent tu as mis la barre si haute qu'on oublie parfois que tu es de cette planète (…) Merci Leo, tout simplement.

Adoré à Barcelone, Messi ne fait toujours pas l'unanimité chez lui. “La critique n'a rien de mal en soi, a estimé l'ex de Manchester United, Juan Sebastian Verón, au micro de Fox Sports, mais on a l'impression que notre pays est uniquement constitué de gens qui réussissent et qui ont le verbe facile.” Récurrente et redondante, la polémique qui escorte les performances de Messi en sélection aurait conduit, cette fois, la star argentine à songer à prendre une pause en sélection. Pour les prochains amicaux, voire pour les premiers matches éliminatoires pour le Mondial 2018. C'est, en tout cas, ce qu'affirment plusieurs media argentins. Pour Verón, devenu président d'Estudiantes la Plata : “Si j'étais Messi, je continuerais à honorer les sélections, mais il n'est pas obligé de venir.

Vendredi, un coéquipier de la Pulga, Lucas Biglia a pris la parole pour soutenir le génie de la sélection. “Si il a besoin de faire un break, on l'appuiera” a assuré le milieu défensif, à TyC Sports. Dans la même interview, Biglia a assuré que Messi était en larmes dans le car qui ramenait l'Albiceleste du stade de Santiago à l'hôtel, qu'il ne l'avait jamais vu dans un tel état de détresse. Pour sa part, le directeur d'Olé semble suggérer des vacances forcées à Messi dans la conclusion de son editorial qui a enflammé le débat autour du quadruple Ballon d'Or : “Quand ton meilleur joueur, le meilleur du monde, regarde par terre et veut que la terre l'ensevelisse (…) il est temps d'accepter le problème et de prendre des décisions fortes.” S'il vient à s'éloigner de la sélection, Messi prendrait le risque de voir son dossier d'accusation pour “pecho frio” prendre du poids, mais il pourrait aussi revenir en sauveur en cas de déroute de l'Albiceleste en son absence. “Pourquoi en Argentine ne peut-on pas profiter d'avoir le meilleur joueur du monde, et n'en prend-on pas soin comme un Barcelone ?” s'interroge Lucas Biglia. Pour qui le problème ne vient pas de Messi, mais de l'Argentine ...

Leo Messi lors des tirs au but contre le Chili

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