C’était probablement la finale rêvée. Ce samedi, le Chili accueillera son ennemi argentin à l’Estadio Nacional pour enfin décrocher une Copa América. Final(e) d’un étonnant parallèle avec l’édition 1955, celle qui marqua la pire tragédie de l’histoire du football chilien.
Etoiles chiliennes face au favori Argentin
1955, la Copa América s’appelle encore Campeonato Sudamericano (voir Copa América : un centenaire de football), la 23ème édition de l’épreuve la plus vieille du monde est organisée au Chili entre février et mars. Malgré un palmarès encore vierge, la Roja de l’époque, poussée par tout un peuple, espère enfin décrocher son Graal. Il faut dire que dans ses rangs, le 11 chilien peut compter sur ses deux étoiles de Colo Colo : Enrique Cua Cuá Hormazabal (dont le nom fut évoqué par Luis Urrutia O’Nell dans l’entretien qu’il nous a accordé) et Manuel Muñoz Muñoz, el Expreso de Tocopilla, sorte d’Alexis Sánchez de l’époque. Avec eux, la Roja balaye tout sur son passage. L’Equateur en prend sept lors du match d’ouverture, le Pérou et le Paraguay, cinq. Seul l’Uruguay parvient à résister à cette Furia Roja qui aborde alors la finale invaincu et meilleure attaque du tournoi avec certitude. Cette fois-ci c’est sûr, le Sudamericano ne peut leur échapper. Face au Chili se dresse un redoutable candidat : l’Argentine. Emmené par un quintet d’Independiente, Micheli, Cecconato, Bonelli, Grillo et, conduite par la légende de River Labruna et Tito Cucchiaroni, qui terminera sa carrière en Italie, l’Albiceleste est le grand favori de l’épreuve et confirme son statut. L’Argentine déroule, joue « sans regarder », et lors du dernier match avant la finale atomise l’Uruguay 6-1 !
Le drame du Nacional
Le jour de la finale est enfin venu. 30 mars 1955, tout un peuple espère voir le Chili enfin remplir un palmarès désespérément vide. L’attente est énorme. Elle provoque le plus grand drame qui a frappé le football chilien. Au dernier moment, les autorités décident de modifier les points de vente des entrées au stade. Alors que le match approche, près de 15 000 personnes d’agglutinent devant les grilles du stade pour essayer de décrocher l’un des précieux sésames. A 18h, on annonce qu’il ne reste que 1000 places disponibles. Premiers mouvements de foule. Désespéré de ne pouvoir entrer, le peuple chilien présent aux abords du stade pousse vers les portes d’entrée du stade. Les carabineros tentent de contenir comme ils le peuvent ce mouvement. Mission impossible. Tout le monde veut désormais entrer, qu’il ait un billet ou non. La marée humaine devient totalement incontrôlable, elle s’abat vers l’entrée du stade. Bloqués contre les grilles ou écrasés par la vague, sept personnes périssent, des centaines sont blessées. La pire tragédie de l’histoire du sport chilien. Les causes sont multiples : de la mise en vente de plus de place que le stade ne peut en contenir au trafic de faux billets en passant par la mauvaise gestion de la foule par les autorités et les carabineros, au final, à l’exception de Luis Bustos Parada, administrateur du stade, personne ne sera retenu véritablement responsable du drame.
Sur le terrain, même si les joueurs n’ont pas été informés du drame s’étant tenu aux abords du stade, ils déjouent. Devant un Estadio Nacional tendu, le Chili se heurte à la formidable défense argentine qu’il ne parvient pas à faire plier. Pire, à l’heure de jeu, Rodolfo Micheli, le goleador d’Independiente, meilleur buteur du tournoi, enterre définitivement les espoirs chiliens. L’Argentine s’impose 1-0 et remporte son dixième Sudamericano, huit ans après le titre décroché en Equateur.
Pour poursuivre dans cet étonnant parallèle, le Pérou termina troisième après avoir battu l’Uruguay 2-1 lors de ce que l’on peut appeler la petite finale (si le tournoi reposait sur une formule dite championnat, les deux équipes étaient alors à la lutte pour cette troisième place).
Près de 60 ans plus tard, si l’ombre du drame ne plane plus sur le Nacional, l’Argentine, favorite de l’épreuve qui a remporté sa demi-finale 6-1, est toujours emmenée par un avant-centre pur produit d’Independiente. Elle cherche à retrouver un titre 22 ans après le dernier décroché… en Equateur . De son côté, le Chili, porté par un attaquant venu de Tocopilla, rêve encore et toujours à décrocher sa première Copa América. Et près de 60 ans plus tard, tout un peuple continue d’espérer que le moment est enfin venu.
Par Nicolas Cougot à Santiago
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