En entretien exclusif avec Acteurs publics, le secrétaire d’État argentin à la Culture, Jorge Coscia, revendique le partenariat de la France et de l’Argentine dans la défense de l’exception culturelle, qui vise à différencier les biens culturels des produits de consommation dans les négociations internationales.
Ce partenariat avait d’ailleurs été rappelé par l’ambassadeur de France en Argentine, Jean-Michel Casa, fin janvier, lors de la présentation de la saison culturelle 2014 de la France en Argentine, en présence de l’ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault et de la présidente de la République argentine, Cristina Fernández de Kirchner.
“La défense de l’exception culturelle est un axe central des politiques publiques menées par l’État argentin et, par ailleurs, un pilier de notre coopération avec la France. Nous avons toujours été partisans du concept, affirme Jorge Coscia, également ancien réalisateur. Cette volonté se traduit par un budget alloué à la culture historiquement élevé : 0,2 % du budget national. Et 0,5 % en tenant compte des infrastructures vouées aux activités culturelles”, précise-t-il.
Budget de 406 millions d’euros
Le fleuron de cette politique est l’Institut national du cinéma et des arts audiovisuels (INCAA), alter ego du Centre national du cinéma (CNC) français, qui finance plus de 100 longs métrages par an, soutenant ainsi toute l’industrie. Le budget de l’INCAA, de 406 millions d’euros en 2012, est destiné à des crédits, subventions, lancements de films et téléfilms, et à ses 339 employés. Il est issu d’un prélèvement sur chaque entrée de cinéma, d’après une loi qui impose aussi la diffusion d’un film argentin tous les trimestres dans chaque complexe de salles.
Le directeur national des Arts visuels, Andrés Duprat, rappelle que le rôle de l’État s’est affaibli dans les années 1990. “La culture n’a pas échappé à cette tendance. Des fondations privées ont pris l’espace laissé vacant par l’État, mais seulement à Buenos Aires. Ces dix dernières années, l’État a regagné du terrain. Ses aides à la production artistique ne sont pas un coût, mais un investissement. Cela fait partie du développement culturel et touristique. Nous avons lancé des programmes auparavant impensables, comme l’achat de 100 œuvres au prix fort à autant d’artistes, qui ont été confiées à 10 musées”, détaille-t-il.
“Droit à la pluralité”
Le rôle croissant de l’État argentin dans la vie artistique s’expliquerait en grande partie par une plus grande prise de conscience d’appartenir à la région sud-américaine, “chose peu évidente car nous avons encore tendance à voir l’Europe comme notre référence culturelle”, dit-il.
Sur les mêmes principes, Jorge Coscia annonce la création imminente d’un Institut national de la musique qui subventionnera l’activité par l’achat public de représentations, notamment dans le cadre de festivals. “La défense de l’exception culturelle dépasse l’intérêt national, insiste-t-il. Il s’agit d’un droit à l’échange et à la pluralité qui contrecarre l’hégémonie culturelle anglo-saxonne, basée sur des pressions économiques dans la distribution. Aussi, le cinéma français diffusé en Argentine l’est essentiellement sur la chaîne publique, Encuentro. De façon réciproque, l’Argentine bénéficie du dispositif Fonds Sud cinéma du CNC, rebaptisé récemment Aide aux cinéma du monde.”
Marc-Henry André, à Buenos Aires