Samuel : "L’Argentine est parée pour un moment en défense centrale"

À l’opposé du visage qu’il montre sur le terrain, où il se bat et défend avec férocité depuis maintenant 20 ans, Wálter Samuel est du genre taiseux. Même s’il a porté le maillot de l’Argentine, de Boca Juniors, de l’AS Roma, du Real Madrid et de l’Inter de Milan, il n’a jamais cherché à se mettre en avant et s’est rarement prêté au jeu de l’interview. "J’ai toujours préféré m’exprimer sur le terrain", confie le défenseur de 37 ans, qui, même face aux médias, justifie pleinement le surnom dont il a hérité en Italie : Il Muro, le mur.

En tout cas, c’est à Bâle, en Suisse, loin des projecteurs et des unes des grands quotidiens sportifs, que Wálter Samuel va disputer les six derniers mois de sa carrière professionnelle. FIFA.com l’a rencontré pour analyser les raisons de son choix, son avenir et sa vision de supporter par rapport au parcours qualificatif de l’Argentine pour Russie 2018 : "Elle va se qualifier, je suis très confiant".

Wálter, beaucoup ont été surpris de vous voir signer un contrat dans le championnat suisse après 20 ans passés dans les plus grands clubs de la planète. Avez-vous été surpris vous aussi ?
C’est une occasion qui s’est présentée. J’avais des contacts en Italie, mais je voulais changer d’air. Un ami m’a parlé de la possibilité de venir à Bâle et j’ai été séduit par cette idée car ce club a fait de belles campagnes européennes. Mais je ne savais pas si j’allais intéresser ce club. Au final, tout s’est bien goupillé. Je suis très satisfait de ma décision, je ne regrette rien. Je dirais même que je suis venu ici un peu trop tard. J’aurais aimé arriver en meilleure condition et en profiter encore plus.

Pour un Argentin qui vient de passer 15 ans en Espagne et en Italie, cela doit faire bizarre de vivre en Suisse…
C’est beaucoup plus tranquille ! (sourire) Mais j’apprécie vraiment ça, avec ma famille, qui se sent aussi très bien ici. Ils peuvent se rendre partout sans moi, c’est une évolution en mieux et une très bonne expérience. Mes enfants sont en train d’apprendre une autre langue, qui va leur être utile. Moi, je ne comprends rien (rires), mais l’allemand va leur faire beaucoup de bien.

En octobre dernier, vous avez annoncé que vous prendriez votre retraite à la fin de cette saison. Quand avez-vous pris votre décision ?
J’ai pris cette décision en raison de mon âge. Il fallait que j’arrête. Je n’en avais jamais parlé mais j’y avais déjà réfléchi. Depuis le début, je savais que je disputais ma dernière saison, il ne me restait plus qu’à l’annoncer. C’était le moment. J’ai adoré jouer, j’adore m’entraîner et plaisanter avec mes coéquipiers. Je n’échangerais cela contre rien au monde. Mais j’ai accumulé les petits pépins physiques qui ont fini par m’user mentalement. En juin, ce sera fini, mais je vois le bon côté des choses. Je suis un privilégié. J’espère savourer jusqu’à la fin.

Craignez-vous l’après-football ?
Non ! Tout le monde parle de ça mais ça ne me préoccupe pas. Je pense à me préparer pour faire quelque chose de ma vie. J’aimerais devenir entraîneur, en commençant par les plus jeunes. Ensuite, je verrai. En tout cas, je n’ai pas peur. Ma famille est à mes côtés donc dans ce sens, je suis tranquille.

Vous avez passé de nombreuses années en sélection. Pourriez-vous détacher un bon moment et un mauvais moment sous le maillot albiceleste ?
Commençons par le plus mauvais : le plus triste a été l’élimination de la Coupe du Monde 2002 à Corée/Japon. Non pas l’élimination en soi, mais le fait qu’elle ait été concédée avec l’équipe que nous avions. Le groupe, le sélectionneur (NDLR : Marcelo Bielsa), tout ça… Si nous avions passé le premier tour, nous aurions pu aller très loin. Ce groupe avait marqué les gens, qui avaient beaucoup d’espoirs. C’est la chose la plus difficile que j’aie vécue avec ce maillot.

Et un bon moment ?
La Coupe du Monde U-20 de 1997 (NDLR : remportée par l’Argentine en Malaisie) a été ma plus grande joie, car par la suite, en seniors, nous n’avons rien gagné. De par son importance et les garçons avec lesquels je l’ai partagé, ce titre a représenté une immense joie.

Vous nous avez confié votre envie d’entraîner dans les catégories de jeunes. Quels sont les besoins des joueurs à ce stade de leur formation ?
Il faut faire preuve de sincérité avec eux. Les garçons ont besoin qu’on les aide, qu’on les guide. C’est à ce stade qu’ils apprennent le plus de choses. Dans l’optique de leur arrivée en première division, ils ont besoin d’une préparation exhaustive. Quand on était en U-20, on nous a parlé de choses primordiales, comme la discipline. Ce n’est pas l’armée, il ne faut pas les fliquer, mais ce sont des choses qui vont leur être utiles par la suite. Bien s’alimenter, bien s’entraîner. Ils doivent être conscients que le fait de jouer en sélection doit représenter un privilège, un rêve, et pas seulement un tremplin pour décoller et s’en aller. L’idéal, c’est de s’inscrire dans la durée : jouer avec les U-17, voir si l’on peut aller en U-20, etc. Un transfert en Europe ou dans un grand club doit passer par là.

Que pouvez-vous nous dire des A ? Avez-vous suivi le début des qualifications mondialistes ?
Ce n’est pas facile en raison des horaires, mais j’ai suivi ça sur internet. J’ai trouvé l’équipe très performante sur les derniers matches. L’Argentine aurait mérité de gagner contre le Brésil, même si elle a quelque peu souffert en seconde période. Mais c’est vrai que les Brésiliens ont très bien joué. Tata Martino est dans le vrai, on a pu le voir contre la Colombie. Il faut y aller progressivement. J’ai eu la chance de disputer des qualifications et je peux dire qu’elles sont extrêmement difficiles. Toutes les victoires sont dures à aller chercher. L’Équateur est venu à Buenos Aires et il s’est imposé en proposant un très beau football. Les choses ont beaucoup changé.

Sur le terrain, vous êtes un joueur calme. Qu’en est-il du supporter ? Vous êtes du genre agité ?
Un peu, oui ! L’autre jour, contre la Colombie, j’étais énervé car ils n’arrivaient pas à tuer le match malgré de nombreuses occasions. Je n’étais pas serein (rires). Heureusement, on a fini par gagner.

À la Coupe du Monde de la FIFA 2014, la défense a été le point fort de l’Argentine, mais nous assistons aujourd’hui à un renouvellement dans ce secteur. Comment l’analysez-vous ?
Contre la Colombie, j’ai beaucoup aimé la prestation de Nicolás Otamendi et de Ramiro Funes Mori. Ezequiel Garay a fait une grande Coupe du Monde, lui aussi. Je crois qu’Otamendi évolue à un niveau très élevé, légèrement au-dessus des autres. Mais la montée en puissance de Funes Mori va faire du bien. Ce que j’aime chez lui, c’est qu’il demande toujours le ballon, il relance proprement et il défend bien. Il n’a pas peur et c’est important, surtout en équipe nationale. De ce que j’ai vu sur ces derniers matches, l’Argentine est parée pour un bon moment en défense centrale.

L’Argentine va-t-elle se qualifier pour Russie 2018 ?
Oui ! En tout cas je l’espère. J’aimerais suivre la Coupe du Monde et en profiter. Je crois qu’elle n’aura pas de mal à y arriver, même si les qualifications sont très difficiles. Je l’ai vue jouer ces deux derniers matches et je suis très confiant.

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