C’était le 22 mars 2009. River Plate reçoit San Martín au Monumental. Un football où les artistes – Gallardo et Ortega jouent dans le même effectif – ont encore leur place sur le terrain. Ce match, c’était le piège. L’équipe qui lutte pour son maintien, face à un River Plate moyen. Un but à la première minute pour San Martín, avant l’égalisation de Gustavo Cabral à l’heure de jeu. Dans le temps additionnel, l’arbitre siffle un penalty douteux pour les Millonarios. Marcelo Gallardo s’avance, mais laisse finalement le ballon à Radamel Falcao. Jeune attaquant de 23 ans, il ne sait certainement pas encore qu’il dispute sa dernière saison sous les couleurs de ce qui est presque son club formateur. Ce penalty, il le transforme et offre la victoire à un Monumental en fusion. Mais ce n’est pas cette folle célébration que les supporters de River Plate retiendront. Ils retiendront cette image, qui sortira dans les jours qui suivent. À l’échauffement, Falcao se place devant la tribune Enrique Omar Sívori, où sont placés « Los Borrachos del Tablón » , la barra de River. Et se met à chanter. « Yo campeón, te vengo a ver, y no me importa mas nada. Vamos vamos River Plate, no le falles a tu hinchada. » Ce n’est pas rien pour des supporters argentins. Car le joueur-supporter en Argentine est une espèce rare, respectée. Surtout quand il est étranger. Radamel Falcao García a commencé à écrire sa légende à Buenos Aires. Là où il est certainement plus vénéré que dans son pays natal, impatient de voir surgir une nouvelle idole pour remplacer le Tigre.
Deux ruptures des croisés
En 2001, Falcao rejoint River Plate. Le club argentin le découvre à quinze ans. 500 000 dollars, qui se transforment en 175 000 après la dévaluation et la crise économique argentine. Il débarque pour jouer en réserve, en huitième division. Ses premières performances exceptionnelles ont lieu avec le maillot de sa patrie. Le natif de Santa Marta brille lors du Sudamericano des moins de 17 ans. Il manque ensuite le Mondial de la même catégorie en Finlande, après une rupture des ligaments croisés. La première. Mais il revient. Alors qu’il s’impose dans les catégories de jeunes du club de Nuñez, c’est encore avec les jeunes Cafeteros qu’il va se faire un nom. En 2005, les moins de 20 ans remportent le Sudamericano. Il débute finalement avec les professionnels de River, sous les ordres de Leo Astrada. C’est le légendaire Mostaza Merlo qui fera de lui le crack que les recruteurs du monde se disputeront. Il enfile les pions, tandis que son mentor quitte le club. Daniel Passarella, qui ne laissera pas une trace indélébile sur le banc des Millonarios, prend les rênes du club. En janvier 2006, le genou lâche une nouvelle fois. Un calvaire que Falcao surmonte comme toujours chez lui « avec l’aide de Dieu » . Mais il n’est déjà plus le même. Et les dirigeants s’en rendent compte. Farías, Higuaín, Figueroa, Ortega, Ruben, Antonio, Ríos, Montenegro, Oberman, Abán, Morales Neumann, telle est la liste des recrues offensives censées remplacer le Colombien. Mais Passarella lui voue une énorme confiance : « Il ressemble à Van Basten. Il marque, il met la pression partout et il a un jeu de tête divin. » Falcao se bat une seconde fois contre son corps et revient à son meilleur niveau. Un an plus tard, un match en particulier va marquer l’avènement d’El Tigre. Un triplé contre Botafogo pour une remontée historique en Copa Sudamericana.
River en aurait bien besoin
Le Colombien restera deux saisons de plus en Argentine. Deux ans, durant lesqules River refuse des offres à hauteur de 19 millions d’euros, pour voir son joyau enchanter un peu plus le Monumental. Falcao à River, c’est 82 buts en quatre saisons professionnelles. Un joueur attaché à l’Argentine, où il y a rencontré sa femme dans une église évangélique. Lorsqu’il dessinait sa légende à River, Porto, ou encore à l’Atlético de Madrid, la Colombie découvrait un attaquant historique. Celui qui détient aujourd'hui le record de buts sous le maillot jaune. Mais depuis cette horrible blessure contre Chasselay – la troisième rupture des ligaments croisés de sa carrière – Falcao n’est plus le même. Depuis, il a fréquenté ardemment les bancs de tout le Royaume. Depuis, il a été désigné comme l’une des pires recrues de l’histoire de la Premier League. Depuis, un consultant colombien reconnu s’est permis de le qualifier de « joueur à la retraite » . Depuis, Guus Hiddink l’a enfoncé en affirmant que ses blessures musculaires « étaient plus graves que prévues » . Depuis, même Monaco, propriétaire de celui qui fut le meilleur numéro neuf du monde pendant quelques années, n’en veut plus.
Alors qu’il devait être la pierre angulaire du projet du Rocher, les dirigeants monégasques cherchent à le refourguer. La Chine, où Jiangu Suning est prêt à faire exploser le portefeuille, est aujourd'hui une destination probable pour Falcao. Un transfert qui marquerait certainement la fin définitive de sa carrière. Alors, les supporters de River Plate se mettent à rêver. Car il l’avait affirmé : Falcao veut terminer sa carrière sous le maillot de la Banda. Une promesse que de nombreux joueurs balancent en l’air. Mais le Colombien n’est pas du genre. Il a perdu sa place en sélection et risque de cirer le banc de Chelsea tout le reste de la saison. Alors reviens à River, Radamel. Reviens là où l’on t’a adulé comme nulle part ailleurs. Une Copa Libertadores des plus relevées de l’histoire, un championnat local où Tévez et Osvaldo ont besoin de faire-valoir, voici les challenges que tu pourrais trouver en Argentine. Il y a une place à gagner pour le centenaire de la Copa América. Un brassard de la sélection à retrouver, puisque James est aujourd'hui pointé du doigt en Colombie pour son comportement. Reviens, car River en a besoin. Ton compatriote Teófilo Gutiérrez est parti danser ailleurs, Rodrigo Mora a perdu son instinct de tueur, et Lucas Alario n’a pas encore les épaules pour assumer seul le rôle d’avant-centre d’un tel club. Ah, le retour à la réalité est difficile. River Plate vient d’annoncer la signature d’Ivan Alonso, un buteur uruguayen de 36 ans qui vient occuper la dernière place d’extra-communautaire du club. Bonne chance, Radamel. Bonne chance.
Par Ruben Curiel