Brésil-Argentine
Durant plus de quinze ans, le Brésil et l’Argentine ont été vus par les investisseurs étrangers comme des terres promises, ces deux pays constituant le moteur du projet de marché régional Mercosur. Le Brésil, l’un des Brics, apparaissait comme un nouveau géant de l’économie mondiale. Pendant les années Lula (les années 2000), ce pays-continent, qui compte plus de 190 millions d’habitants, a vécu un rendez-vous heureux avec l’histoire : le potentiel enfin réalisé d’un marché interne, une croissance annuelle moyenne à 3,5 %, dopée, depuis l’extérieur, par les coûts élevés des matières premières. Ceci avant que le pays n’entre dans une tempête économique et politique qui a mis l’actuelle présidente Dilma Rousseff dans une situation délicate face à ses électeurs.
L’Argentine, quant à elle, et malgré son passage à vide au tout début du xxie siècle (crise bancaire 2001), faisait rêver les pays voisins. En effet, l’arrivée au pouvoir des Kirchner (2003-2007 Ernesto Kirchner et 2007-2015 Cristina Fernández de Kirchner) a entraîné la mise en place de politiques sociales accompagnées notamment d’un investissement important dans l’éducation supérieure, qui ont permis la réduction du chômage (selon la Cepal). Depuis 2014, cependant, le pays subit une sorte de récession, avec un taux de croissance annuelle passant de + 7,5 % entre 2010 et 2012 à – 1,4 % en 2014 (donnée du FMI), et une chute du cours de sa monnaie, le peso argentin. Il doit faire face aux « fonds vautours », semant le doute dans l’électorat qui a ainsi choisi de porter au pouvoir lors des récentes élections présidentielles Mauricio Macri, du parti Alianza Cambiemos, adversaire du candidat de Cristina Kirchner (Daniel Scioli, du partie Frente por la victoria).
Colombie-Pérou
La Colombie et le Pérou ont en commun le fait d’avoir retrouvé la confiance des investisseurs étrangers. Les deux pays, qui ont fondé leur expansion sur le secteur primaire (minerais, pêche, agriculture, etc.), sont dans une dynamique d’ouverture commerciale avec la multiplication d’accords de libre-échange. C’est dans cette atmosphère positive que la Colombie (en plein processus de paix entre le gouvernement et les Farc) et le Pérou sont fréquemment cités parmi les pays néo-émergents : le 26 juin 2012 les deux États ont signé avec l’Union européenne des accords commerciaux qui sont entrés en vigueur en 2013. Par ailleurs, et grâce à cette conjoncture favorable, la Colombie et le Pérou ont présenté leurs candidatures respectives à une adhésion à l’OCDE (échéance 2021).
À cela vient s’ajouter la participation de ces deux pays à la création en juin 2012 de la zone de libre-échange dite Alliance du Pacifique (aux côtés du Chili et du Mexique), donnant ainsi naissance à un nouveau bloc d’intégration économique dans les Amériques. L’Alliance du Pacifique a elle-même entamé un rapprochement avec l’Asean, qui regroupe des États d’Asie du Sud-Est dont l’Indonésie, la Thaïlande, le Vietnam et Singapour.
Où en sommes-nous aujourd’hui ?
Selon Jonas Rama (économiste, coordinateur de la chaire globalisation et monde émergent, à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), 2016 démarre avec des défis nationaux et internationaux pour les deux grandes économies du Mercosur. Sur le plan national, le Brésil doit surmonter la crise de confiance engendrée par la dégradation de ses comptes publics, la hausse de l’inflation et les scandales liés à la corruption. Pour sa part, le nouveau gouvernement de Mauricio Macri en Argentine devra habilement ajuster sa gestion entre inflation et dette. Au niveau international, les deux économies affronteront les menaces que font planer sur elles les doutes quant à l’économie chinoise, le prix du pétrole et la hausse des taux de la Fed.
Pour la Colombie et le Pérou, selon Guy Mazet (docteur en droit, ancien chercheur au CNRS-INSHS), l’un des défis majeurs sera d’éviter la primarisation de leur économie et le piège de l’extractivisme : l’appropriation d’énormes quantités de ressources naturelles ou leur exploitation intensive en vue de leur exportation vers les marchés mondiaux. En effet, l’extraction minière représente un élément fondamental du modèle de développement, qui associe l’intensification de l’activité et appel aux investissements étrangers via les multinationales, mais ces politiques extractivistes s’imposent souvent au détriment des populations locales, rurales et indigènes, et entraînent une criminalisation des conflits socio-environnementaux.
Table-ronde « REGARDS CROISES : BRESIL-ARGENTINE ET COLOMBIE-PEROU. ENJEUX SOCIO-ECONOMIQUES ET ENVIRONNEMENTAUX, mercredi 17 février 2016, Paris
Le 17 février aura lieu à Paris une table-ronde avec Guy Mazet (Docteur en droit, ancien chercheur au CNRS-INSHS) et Jonas Rama (économiste, coordinateur de la chaire globalisation et monde émergent, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne). Cette table ronde est organisée par le GRECOL (Groupe de réflexion et études sur la Colombie) avec le soutien de la Fondation Maison des sciences de l’homme et l’institut des Amériques et en partenariat avec Opinion Internationale.
Animateur : Angélica Montes Montoya (Responsable de Grecol, professeur intervenant à l’Essec-CRL et à l’université Paris 13 Sorbonne-Paris Cité, UFR DSPS)
Entrée libre à la Maison de l’Amérique Latine ; 217, bd Saint Germain – 75007 Paris / Métro Solférino ou Rue du Bac (ligne 12) Paris, de 19h à 20h30.
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