Quand Perón recrutait d’anciens nazis pour moderniser l’Argentine

Après la défaite des puissances de l’Axe, l’Argentine se montra particulièrement désireuse de recruter des spécialistes allemands. C’était pour elle un investissement solide : il lui suffisait de payer le coût du voyage, là où l’Allemagne avait dépensé des millions pour former ses scientifiques et ses techniciens. Des années plus tard, à des journalistes espagnols qui l’interrogeaient sur ces recrutements d’après-guerre, l’ancien président Perón laissait clairement entendre que sa seule intention avait été de moderniser son pays:

"Bien avant que la guerre ne finisse, nous nous étions déjà préparés pour l’après-guerre.

L’Allemagne était défaite ; nous savions cela, et maintenant les vainqueurs voulaient tirer avantage des progrès technologiques considérables que le pays avait accomplis au cours de la décennie précédente. Les complexes scientifiques ne pouvaient plus être exploités, car ils avaient été détruits. L’unique chose dont nous pouvions nous servir, c’était les individus, et c’est à eux que nous nous intéressions".

Adolf Galland, pilote de chasse et ami de Perón, résumait succinctement le point de vue des spécialistes allemands installés en Argentine:

"L’état de désœuvrement dans lequel se trouvaient après 1945 de nombreux scientifiques, techniciens et autres spécialistes allemands venait à point nommé pour l’Argentine. Cela garantissait aussi l’intérêt que ce pays pouvait leur porter. Mais ceux qui partirent s’installer en Argentine avaient le sentiment non seulement d’être bien traités, mais aussi d’entrer au service d’une nation qui les traitait avec bienveillance et sans préjugés tout en servant leur patrie d’origine".

Pour les recrutés comme pour les recruteurs, l’émigration en Argentine représentait une solution gagnante. Cependant, les gains que Perón et son gouvernement firent en recrutant des cadres dirigeants allemands et d’anciens nazis les mirent aux prises avec les puissances victorieuses. Les obligations internationales de l’Argentine lui interdisaient d’engager, sans y avoir été autorisé par les Alliés, des individus originaires de l’une ou l’autre des nations appartenant à l’Axe. Les scientifiques ayant travaillé dans l’industrie de la guerre étaient exclus de tout accord, et les criminels de guerre devaient être extradés. Sous la pression des États-Unis, les pays d’Amérique du Sud avaient signé en 1945 l’acte de Chapultepec, qui les obligeait à agir en commun contre les puissances de l’Axe. Il leur fallait notamment geler les comptes bancaires des ressortissants des États ennemis qui se cachaient en Amérique du Sud et les traquer. L’immigration en provenance du IIIe Reich devait donc être étroitement surveillée. Cependant, ni l’Argentine ni les États-Unis ne se conformèrent à cette politique, ce qui n’empêcha pas les Américains de critiquer fortement l’attitude laxiste des Argentins.

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