Une cinquantaine de témoins ont défilé à la barre du tribunal de Salta (Argentine) depuis le 25 mars, sans pour autant apporter d'éléments déterminants sur le crime de Cassandre Bouvier et Houria Moumni, deux Françaises tuées en 2011 en Argentine.
Le scénario de l'instruction laisse perplexe. Des trois Argentins assis dans le box des accusés et risquant la perpétuité pour avoir battu, violé et tué les deux étudiantes parisiennes, seul Gustavo Lasi, guide occasionnel de 27 ans, a été trahi par les tests ADN qui démontrent qu'il a violé les deux étudiantes.
Les deux autres meurtriers présumés, Daniel Vilte et Santos Vera, deux ouvriers, sont jugés sur la base de la mise en cause de Lasi et d'un faisceau de soupçons.
Pour le ministère public, une chose est sûre: l'experte légiste a démontré que les deux Françaises avaient bien été tuées à l'endroit où elles ont été retrouvées le 29 juillet 2011. "La faune cadavérique, souligne le procureur Felix Elias, correspond à la zone du mirador", un des belvédères du Parc de la Quebrada de San Lorenzo, dissipant la thèse selon laquelle elles auraient été enlevées puis tuées.
"Le tribunal donne toute les garanties pour que le procès soit juste", affirme à l'AFP le magistrat.
En revanche, il craint que des coupables ne soient toujours en liberté. "J'ai l'impression que certains ont échappé à l'enquête, pour moi il manque deux acteurs de ce crime. Les accusés protègent-t-ils des parents ou des amis?", se demande le procureur, qui relève que deux d'entre eux ont refusé de parler au premier jour du procès, quand les juges leur ont donné l'occasion de s'exprimer.
- Des "lampistes" sur le banc des accusés -
A Salta, la plupart des habitants pensent que des "lampistes" sont assis sur le banc des accusés et que les deux jeunes femmes auraient en fait été victimes de fils de notables friands de mystérieuses "fêtes VIP" qui seraient couvertes par les autorités locales.
Une foule de policiers ont été entendus au cours des huit premières audiences.
Le tribunal a écouté le rapport troublant du commissaire Nestor Piccolo, qui s'est suicidé fin 2011, selon la version policière. L'enquêteur affirmait que des douilles de calibre 22 avaient été placées a posteriori sur la scène du crime.
Soixante-douze heures après la découverte des corps, un policier a distingué les projectiles au sol alors que les lieux avaient été préalablement passés au peigne fin à l'aide d'un détecteur de métaux, qui a même permis de débusquer une minuscule carte SIM de téléphone portable.
Des policiers, des employés travaillant à l'époque des faits dans le parc de la Quebrada de San Lorenzo et des parents des accusés ont livré des témoignages érodés par le temps, parfois décousus ou farfelus, généralement incapables de faire avancer les débats.
Le propriétaire du country Buena Vista, quartier privé et sécurisé voisin du parc, a été mis en cause par l'oncle de Gustavo Lasi.
"Il n'y a pas d'élément nouveau. Beaucoup de témoins n'avaient rien à faire dans le prétoire, leurs témoignages n'ont pas modifié le cours des débats", considère Horacio Moralès, avocat du principal accusé Gustavo Lasi.
Au cours des prochaines semaines, les juges devront démêler plusieurs énigmes. Des études ADN réalisées en France ont par exemple déterminé l'existence de trois autres empreintes génétiques -deux de femmes, une d'homme- sur les corps de Houria et Cassandre.
Le tribunal espère notamment pouvoir entendre Rosa Maria Gomez Millet, la gérante espagnole de l'Hostal del Cerro, l'auberge où séjournaient les deux étudiantes, en vacances en Argentine après un congrès de sociologie à Buenos Aires. Mme Gomez, qui a quitté Salta peu après le crime, n'a pas donné l'alerte alors que les affaires des deux Françaises étaient restées dans leur chambre.
D'après le registre de la billetterie du parc, elles avaient pénétré le 15 juillet à 16h23 sur les sentiers de la Quebrada de San Lorenzo.
Sur le bon état de conservation des corps, étonnant après quinze jours à l'air libre, la légiste a estimé que c'était possible en raison des basses températures de l'hiver austral.
Pour les parents des deux jeunes femmes, qui assistent au procès à Salta, le procès marathon est douloureux.
Ils devront tenir jusqu'au 16 mai, date du verdict.