L’année prochaine, la Copa America fêtera ses cent ans. A un an de cette échéance fatidique, le grand livre du palmarès de la compétition n’accorde toujours pas la moindre ligne au Chili. Ce n’est pas faute d’avoir essayé : le pays a participé à la première édition de la Copa, en 1916, et y a affiché depuis une assiduité remarquable.
Avec 43% des éditions finies sur le podium, le Chili est loin d’être ridicule en Copa. Pour autant, il n’a jamais gagné la compétition. Quatre finales perdues, quinze éliminations en demi-finale, quatre éditions organisées sans jamais soulever le trophée…
L’avantage du terrain
Il faut avoir cela en tête pour mesurer l’immensité des espoirs qui pèsent sur le cru 2015 de la Roja, cette génération Sanchez aussi brillante que dépourvue du moindre exploit collectif, de la moindre histoire à partager pour les décennies futures.
Au moment de pénétrer sur la pelouse de l’Estadio Nacional samedi soir, ils seront quelques-uns à avoir en tête que cette finale aura tout du baroud d’honneur, de l’occasion en or de marquer l’histoire footballistique du pays. Ce sera le cas pour Claudio Bravo (32 ans), Pizzaro (35 ans), Herrera (34 ans), Rojas (32 ans) ou encore pour le génial Valdivia (31 ans), esthète du jeu comme le football n’en produit plus assez.
Pour le Chili, il sera, samedi soir, résolument temps de rompre le sort. Et quoi de mieux, pour cela, que de jouer à domicile ? En finale, la sélection chilienne sera dans son jardin, l’Estadio Nacional, devant plus de 45 000 personnes. Les coéquipiers d’Alexis Sanchez ont disputé tous leurs matches de la compétition dans l’antre de Santiago.
Chaque fois, ils parurent portés par une nation entière, comme transcendés par l’euphorie d’un pays pour qui la victoire est désormais inéluctable. La rivalité territoriale entre Chiliens et Argentins ne devrait qu’électriser un peu plus l’atmosphère dans l’enceinte, face à une sélection argentine qui n’a pas joué le moindre match au Nacional.
Un jeu flamboyant
Organiser une compétition n’est jamais simple, et la déconfiture brésilienne au Mondial 2014 devrait avoir suffi à en convaincre les Chiliens. Les hommes de Jorge Sampaoli ont, pour l’instant, relevé le défi avec honneur. Tout au long de son parcours, la Roja a accordé un soin minutieux à associer au résultat la manière, à la victoire le spectacle, à l’efficacité la beauté. Manière de montrer que, quitte à tomber, les Chiliens voulaient tomber avec leur jeu.
Au diable les temps faibles, les approches timides, la possession stérile. Le Chili a porté comme un étendard la prise de risques, la verticalité, le tropisme offensif. Il suffit de voir Vidal et consorts s’attacher, ballon après ballon, à orienter systématiquement vers l’avant leur première passe post-récupération.
Après ? De l’audace, du mouvement, des combinaisons à la pelle, un ballon laissé au sol aussi souvent que possible et des buts (13 en 5 matches). Alors, certes, il y a, en filigrane, ce déséquilibre que notre prisme français nous fait craindre à chaque offensive. Mais le jeu (le mot n’est pas vain, ici) en vaut largement la chandelle. Voir, samedi soir, l’audace footballistique chilienne vaincre le pragmatisme argentin aurait ce petit quelque chose de rassurant. Pour l’amour du football.