Michel Hidalgo braqué avant la Coupe du monde 1978 : il raconte

Au téléphone, sa voix ne tremble pas. Elle est posée. Pourtant, elle raconte une scène surréaliste, digne d’un numéro de "Faîtes entrer l’accusé". Michel Hidalgo n’a rien oublié de ce 23 mai 1978. Il s’en souvient dans les moindres détails. Dans vingt-quatre heures, le sélectionneur de l’équipe de France s’envolera de Paris. Direction l’Argentine. Au pays de la Coupe du monde, la dictature militaire est au pouvoir. En France, on appelle donc au boycott du Mundial 78. Ce 23 mai, Hidalgo est au volant de sa voiture, accompagné de sa femme, sur une petite route de Gironde. Il file vers la gare de Bordeaux, pour rallier Paris. "Soudain, nous raconte-t-il, on m’ordonne de m’arrêter. C’est un groupe opposé à la Coupe du monde. Ils sont armés."

Le patron des Bleus descend de son véhicule. "L’un d’eux me demande de l’accompagner jusqu'au petit bois à côté, cinquante mètres plus loin. Pendant ce temps-là, un autre agresseur s’assoit au volant, à côté de ma femme. A ce moment-là, je sais qu’il me reste peu de temps à vivre." Alors, Hidalgo a "un réflexe de survie" : il "pique le revolver". L’arme "tombe par terre". "Heureusement, je la récupère avant mon agresseur. Qui s’enfuit, comme ses autres compagnons."

Pas de choc physique. Mais la trace psychologique, elle, est profonde. "Après cet épisode, j'ai hésité à aller en Argentine. Quand on se retrouve kidnappé, menacé par une arme, on ne pense plus à la Coupe du monde. On se demande où est le sport. Je ne voyais plus l'intérêt. D'un coup, cette grande joie du 16 novembre (date de la qualification) s'estompait. Je pensais surtout à ma famille." Sa famille, que "ces agresseurs observaient depuis une semaine". Hidalgo sent que sa femme, alors institutrice, "est en danger". Il décide donc de l’emmener avec lui, en Argentine. "Elle ne pouvait pas rester seule à la maison. "

Michel Hidalgo

Cette Coupe du monde, l’équipe de France s’en faisait "une grande joie". Douze ans, douze longues années que les Bleus ne s’étaient plus invités à la fête planétaire du football. Hidalgo la vivra "avec deux gardes du corps". "Tout ce contexte m'a refroidi. Les joueurs aussi. Ils auraient très bien pu rester en France. On ne les aurait pas sanctionnés. Mais ils ont été admirables de volonté, d'une mentalité exemplaire." Les Bleus sortent au premier tour, "la tête haute", éliminés par le pays hôte. "Ils nous a manqué un tout petit point pour passer. Ce point, on le méritait contre l'Argentine. L'arbitre a sifflé un penalty pour une main de Trésor. On s'est un peu fait volés. Mais on était en vie. Cette Coupe du monde fut celle du renouveau." Celle qui amorça les épopées de 1982 et 1986.

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