Ce n’était pas forcément un lundi noir pour la famille Messi. Quelques heures avant que Cristiano Ronaldo ne mette logiquement un terme à quatre années de monopole argentin sur le Ballon d’Or, deux cousins de La Pulga (la puce) ont eu le droit à leur moment de gloire. Maximiliano et Emanuel Biancucchi étaient présentés en grandes pompes dans un salon de l’hôtel Deville à Salvador de Bahia pour officialiser leur signature avec l’Esporte Clube Bahia, 13e du dernier Brasileirao. Carnaval de confettis et tango en fond sonore : les dirigeants bahianais n’ont pas chipoté sur les flonflons lors d’une conférence de presse retransmise en direct sur un grand portail brésilien.
Soyons honnête : si cette double signature a été traitée comme un événement, ce n’est pas uniquement en raison du lien de parenté entre les frères Biancucchi et Lionel Messi. Maxi, 29 ans, a un certain statut au Brésil : il a porté les couleurs du Flamengo (2007-2009) et a inscrit 17 buts en 2013 sous les couleurs de Vitoria, le grand rival local. Emanuel, 25 ans, a lui un parcours plus confidentiel : du Munich 1860 en Allemagne à Olimpia au Paraguay. Il a été plutôt surpris d’être accueilli comme une rock star au Brésil : "C'est la première fois que je vois une telle foule."
Le Brésil préoccupé pour son Mondial
Bizarrement, les deux n’ont quasiment jamais joué en Argentine. Manuel a juste été formé à San Lorenzo. Maxi y a fait deux brèves apparitions. Il rêverait de porter les couleurs de Newell’s Old Boys, le club de sa ville, Rosario, et celui des débuts de Lionel Messi. Mais il a récemment confié à l’agence DPA qu’il restait au Brésil parce qu’il s’y sentait plus en sécurité que dans son pays. A en croire le journal Clarin, la violence est une des raisons qui freinent le retour des footballeurs au pays. L’Argentine fait face à une vague de hooliganisme : 21 morts en deux ans, plus de 70 depuis 2000.
Il y a un mois, deux fans de Newell’s ont été tués par un motard qui portait le maillot de Rosario Central, l’autre grand club de la ville. L’été dernier, une fusillade entre supporters de Boca Juniors, au cours de laquelle 150 balles avaient été tirées, avait aussi fait deux victimes. Cette violence semble moins une histoire de rivalité que de mainmise sur les trafics obscurs auxquels se livrent les Barras bravas (le nom donné aux groupes d’ultras argentins) : revente de billets, racket de joueurs, de dirigeants… Le tout, plus ou moins cautionné par le pouvoir en place. Leur dangerosité n’est pas minimisée par le Brésil voisin, qui cherche à éviter leur présence à la Coupe du monde. "Nous avons eu quelques réunions avec la Police fédérale brésilienne.Elle a exprimé sa préoccupation", a expliqué le patron d’Interpol en en Uruguay, José Pedro Izquierdo. En 2010, des centaines de Barras bravas avaient débarqué en Afrique du Sud.
"L’Argentine a beaucoup à apprendre"
Dans un entretien à Clarin la semaine dernière, l’ancien joueur du PSG et de l’OM, Gabriel Heinze, a dressé un tableau sans concession du football dans son pays, où il est revenu en 2012. "Les dirigeants sont incapables de payer les salaires, la violence est de plus en plus présente, le jeu est plus médiocre chaque semaine. Depuis mon retour, j’ai vu très peu de matches dont j’ai pu retirer une chose positive", déplorait l’actuel défenseur de Newell’s. Depuis le Brésil, Maxi Biancucchi tient un discours semblable : "C’est inacceptable qu’il y ait besoin d’un cordon de sécurité quand tu vas tirer un corner. Ici, si on jette une bouteille en plastique, le match est suspendu immédiatement. L’Argentine a beaucoup à apprendre."
Cela reste à prouver. Le Brésil affiche des statistiques encore plus affolantes : 30 morts liés au football en 2013. A Bahia, la rivalité semble pourtant feutrée. Le cousin de Messi a appelé sa fille Vitoria, en hommage à son ancien club. Cela n’a pas empêché les supporters ennemis de Bahia de l’accueillir à bras ouverts.