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Le 7 janvier 2013, Messi recevra un quatrième Ballon d'Or d'affilée. Cela ne fait aucun doute tant le joueur semble faire l'unanimité, que ce soit auprès des journalistes, des sélectionneurs ou des 208 capitaines sondés. Messi est considéré comme le meilleur joueur du monde, et ce depuis plusieurs années. Certaines grandes figures vont même jusqu'à dire qu'il est en train de marquer l'histoire du football comme aucun autre joueur avant lui ne l'avait fait. Oubliés les Zidane, Pelé, Maradona, Van Basten et autres Vairelles...
On vante son mérite, ses statistiques, son efficacité impressionnante, sa vivacité, sa conduite de balle, ses coups d'éclat, sa discrétion, son humilité, sa simplicité. Et pourtant, ce joueur, assez exceptionnel il est vrai, ne parvient pas à me toucher suffisamment pour que je reste, comme beaucoup (trop), bouche bée face à la dictature de son talent. Je m'explique...
D'abord, le petit Argentin ne s'est jusqu'à maintenant jamais remis en question.
En effet, depuis qu'il est à Barcelone, il brille en enfilant les buts comme des perles. Des doublés, des triplés, voire plus de temps en temps pour une moyenne de buts par match hors normes. Par ailleurs, son palmarès en club reste incomparable. C'est simple, il a gagné tous les titres possibles et imaginables avec le FC Barcelone (Ligue des champions, Liga, Coupes, Pichichi,...). Il en a donc fait le tour, il n'a plus rien à prouver là-bas. A part ses records, en effet, que pourrait-il encore améliorer ? Alors je m'interroge: pourquoi ne tente-il pas sa chance ailleurs ? Pourquoi n'irait-il pas relever de nouveaux défis, de vrai défis j'entends ? Au fond, rester à Barcelone ne relève ni de la difficulté ni du challenge. Cela relève de la prudence, de la sécurité, de la simplicité. Finalement, personne ne voit Messi quitter l'Espagne et encore moins la Catalogne. Je me demande même s'il n'aurait pas préféré la tunique de la Furia Roja si sa liberté avait été aussi vaste. Pourquoi n'ose-t-il pas aller ailleurs ? Parce qu'il craint l'échec ? Parce qu'il craint de se retrouver dans une situation similaire à celle de l'équipe d'Argentine dans laquelle il ne brille pas autant ? Parce qu'il serait conscient de sa dépendance au style et à la qualité de jeu barcelonais ? Parce qu'ailleurs il ne serait pas forcément entouré de faire-valoir aussi talentueux que Xavi, Iniesta et consorts ? Parce que s'il partait, ces derniers monteraient sans doute sur la première marche du podium des récompenses individuelles ? Toutes ces questions se rejoignent et posent le problème des conditions du succès de ce joueur. Est-il exceptionnel ou seulement bien entouré ? Difficile de prendre position puisqu'il n'a jamais rien prouvé ailleurs, dans un autre contexte. Blessons Xavi et Iniesta pendant un an et examinons de près les nouvelles performances de Messi. Ferait-il illusion? Porterait-il son club aussi bien que ces deux là le font depuis autant d'années ? Pour moi, il souffre du syndrome Bojan, un jeune joueur bourré de talent mais qui a toujours eu peur du succès et des vrais défis. Messi a réussi à aller plus loin que Bojan, beaucoup plus loin même, ils sont incomparables j'en conviens. Seulement, en ne voulant absolument pas mettre à mal son petit cocon soyeux, Messi ne brille pas à mes yeux, il fait juste du sur place, tel un rentier du football profondément "risquophobe". Pendant ce temps là, Xavi et Iniesta, qui n'ont encore rien prouvé ailleurs non plus et qui ne le feront certainement jamais, restent oubliés de la récompense suprême alors que leurs efforts et leur talent sont au moins aussi intéressants que ceux de l'Argentin. Ils sont juste plus actifs et davantage responsables du succès de leur club. Messi est inconstant dans son activité sur le terrain, il marche beaucoup, se fait oublier et profite pleinement du travail de haute qualité de ses coéquipiers. Il est à la finition et, malheureusement, emporte avec ses buts toute la gloire. Il n'en laisse pas une miette.
Il n'en laisse pas une miette et se permet même des crises d'égoïsme.
Comme s'il n'en avait pas assez. En regardant de plus près ses performances sur le terrain, en refusant de se contenter des résumés de matches où seuls ses buts sont encensés, on s'aperçoit très vite combien ce petit génie peut être individualiste par moments. Pourtant, l'une des caractéristiques des grands joueurs est de garder la tête haute, de voir le jeu, tel un Dennis Bergkamp par exemple. Lui, bien trop souvent, regarde ses pieds et ses stats. Il oublie ses coéquipiers qui, toute l'année, lui permettent de toucher les étoiles, de frissonner et de signer des contrats publicitaires juteux. Il fait des passes décisives, c'est vrai, et c'est pour ça qu'il fait illusion devant beaucoup. Ce que je veux dire, c'est qu'un tel joueur, réputé parfait, est bourré de contradictions et de défauts dans son jeu. Et c'est peut-être pour cela qu'avec l'équipe d'Argentine, dont le fond de jeu reste moyen, il ne brille que trop peu.
A mes yeux, le succès de Barcelone renvoie à la qualité de sa formation, de son style de jeu, à son collectif unique, à un état d'esprit. Et récompenser autant Messi qui reste un joueur profondément individualiste, soumis au régime du toujours plus, qualifié de diva par certains, relève de l'incohérence. C'est un mercenaire qui ne se mouille pas, qu'on n'entend pas et qui ne fait que profiter d'un système qui le porte vers le haut. Le récompenser autant et de manière aussi exclusive, c'est aussi oublier à quel point l'équipe d'Espagne réussit sans lui, juste avec la matière première de la Masia et quelques bons éléments madrilènes mis au bout, pour faire le nombre. Enfin, c'est mettre de côté, ou plutôt en dessous, d'autres génies tels que Xavi et Iniesta dont l'humilité et la simplicité sont réelles et rafraîchissantes. Et puis, ce n'est peut-être pas anodin si l'année où Messi bat tous les records individuels est aussi l'une des plus pauvres en termes de succès pour le club, non?
En lisant ce texte, vous serez peut-être convaincus d'avoir démasqué un fan de Cristiano Ronaldo voulant prendre parti dans le duel légendaire qui l'oppose à l'Argentin. Et vous aurez tort puisque lorsque l'on me pose cette question idiote, j'aime clore de débat en disant que personne ne me fait vibrer autant que Wayne Rooney...