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ean-Christophe Ménard, dit « JC », n'a rien oublié de son abandon lors de la cinquième étape, l'an passé, en Argentine, lors du Dakar 2014. Le bouchon d'huile de sa Yamaha mal vissé, le liquide qui se répand sur le parcours. Une à une, les images défilent. Canyons, crêtes, pistes désertiques contreforts de la Cordillère des Andes, des températures qui confinent à l'extrême entre celles du jour et de nuit.
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Des jours et des heures durant lesquels s'entremêlent joie et souffrance et puis la tuile, qui arrive sans prévenir. Le moteur explose. « Tout ceci n'a été que le résultat d'une équipe moyenne, pas très pro dans la préparation. Ils ont failli à leur devoir. Je leur en ai voulu. J'ai tourné la page », lance-t-il.
Sur le moment, le Saintais a voulu tout arrêter. Puis, il s'est donné le temps de la réflexion avant de prendre la décision, le dernier jour des inscriptions, le 14 juillet 2014. Celui qui l'a aidé dans son choix, longuement mûri, c'est David Casteu, ancien compagnon de route malchanceux lui aussi.
« Des gens compétents »
C'était en 2011. « Il était en panne de boîte de vitesse. Je l'ai dépanné en le tractant » se souvient Jean-Christophe Ménard. « Les gens n'oublient jamais quand tu leur viens en aide. Ça lui avait permis de terminer le Dakar. Des liens se sont créés. » L'an passé, lorsque le Saintais a dû abandonner, c'est David Casteu qui lui a permis d'effectuer quelques étapes, de suivre le rallye comme observateur. La reconnaissance d'une amitié renforcée.
Et, une fois encore, celui qui lui avait permis de se balader de bivouac en bivouac l'a sollicité pour faire partie du team Casteu. « Mais à condition que je roule sur une moto KTM. David est quelqu'un qui a du cœur et qui sait se montrer généreux. Après avoir réfléchi, j'ai dit oui. J'ai l'impression de partir pour la première fois. De redécouvrir le Dakar dans une autre ambiance, avec des gens plus compétents qui ne négligent rien. »
Une préparation optimale
C'est l'organisation qui a appelé le Saintongeais. « Ma décision a été immédiate. Et puis, lorsque David m'a présenté la moto, j'étais un peu fou de joie. Cette KTM 450, c'est un bijou. J'ai l'impression qu'elle a été conçue pour moi. Je me suis trouvé bien, de suite, avec elle lorsque j'ai pu la tester, à l'occasion du Rallye du Maroc en octobre dernier. J'ai terminé 15e. J'ai peaufiné les suspensions. Je peux attaquer plus vite, elle tient mieux la route, même si elle est plus lourde. On dirait une moto qui a été fabriquée pour moi. Je la sens bien. »
Pour mettre tous les atouts de son côté, le Saintais s'est astreint à un programme sévère pendant plusieurs mois. Diététique, sport poussé, il a emprunté les routes du Tourmalet et déboulé vers Barèges, à fond la caisse. « Je doublais tout le monde dans la descente », avoue-t-il en riant. Médecin, kiné, ostéopathe, muscler son corps, le motard n'a rien négligé.
Et puis, de son échec de l'an passé, il a tout noté, tout ce qui n'avait pas fonctionné, pour gommer l'à peu près. Une liste longue parsemée de petits détails et qui n'est pas exhaustive. Mais l'essentiel figure sur son bloc-notes et quelque part dans sa mémoire.
« Ce que l'on retient d'une telle épreuve, c'est qu'il ne faut rien négliger, ne rien laisser au hasard, sinon tout s'écroule. Un abandon permet de mieux gérer la suite de sa carrière sportive. La raison pour laquelle on dit stop, c'est à la fois quelque chose de particulier et d'intime. On doit rester dans sa bulle, du départ jusqu'à l'arrivée, ne pas être perturbé, mettre tous les atouts de son côté. Nous sommes parfois des acteurs pris au piège de cette nature aussi belle qu'hostile, qui ne nous veut pas toujours que du bien. Le danger, quel qu'il soit, est omniprésent. Mon objectif, c'est d'aller jusqu'au bout et surtout, éviter d'abandonner sur ennui mécanique ou autres. J'ai hâte de partir. »
Gérard Vallet
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