Marcelo Bielsa, un "obsessionnel" à la tête de l’OM

Marseille s'apprête à vivre une révolution. Marcelo Bielsa. Lunettes bon marché de professeur de techno sur une tête massive. Et bien pleine de concepts footballistiques. Cet Argentin qui aura 59 ans avant le début de la saison 2014-2015 est capable de conférences de presse à rallonge, aussi passionnantes pour des mordus de football que celles de Jean-Luc Godard pour un crack de cinéma d'auteur. Comme Godard, le nouvel entraîneur de l'Olympique de Marseille est un penseur et un génie admiré. "Le cerveau de Marcelo tient du laboratoire scientifique", a résumé l'un de ses anciens présidents de club

Des équipes au jeu spectaculaire

Un cerveau capable de dire: "Une opportunité, c'est un but, et un but, c'est la vie pour nous. Si le type ne va pas sur l'un des 220 centres que je lui fais, je le tue. Je lui fais sentir que c'est comme s'il avait violé une femme. Parce que ce ballon qu'il n'a pas été cherché nous a enlevé notre argent, notre victoire, notre gloire, notre vie." Un cerveau qui ne rigole pas donc. Et qui résume ainsi sa philosophie: "Concentration, mobilité, rotation et repli. Quand l'adversaire a le ballon, toute l'équipe fait le pressing le plus près possible de la surface adverse. Je suis un obsessionnel de l'attaque. Le football offensif est infini." 

Pas étonnant donc que son Chili ait proposé le jeu le plus enthousiasmant du Mondial 2010. "C'est la meilleure sélection de la première phase", avait même déclaré Johan Cruyff, prophète du football total. Son Argentine, dont il a été le sélectionneur de 1998 à 2004, était une équipe spectaculaire et vive, malgré le retentissant échec du Mondial 2002 - élimination en poule. Juste après avoir atteint la finale de la Copa America, il a toute de même décroché l'or aux Jeux olympiques d'Athènes avec l'Albiceleste. 

Un maniaque de la formation

L'OM n'est pourtant que la troisième expérience européenne de cet homme issue de la bourgeoisie de Rosario, la 3e ville d'Argentine - son frère a été ministre des Affaires étrangères du président Nestor Kirchner et sa soeur vice-gouverneur de la province de Santa Fe. L'appel irrésistible de sa fédération nationale avait limité à quelques semaines son passage à l'Espanyol Barcelone en 1998. Il n'est ensuite revenu en Europe que deux saisons, de 2011 à 2013, à l'Athletic Bilbao. Il a révolutionné le jeu à la britannique des Basques pour atteindre les finales de la Ligue Europa et de la Coupe du Roi en 2012. 

Qu'est-ce que Bielsa peut apporter à Marseille? Il aime s'impliquer dans toutes les strates hors-business d'un club, et en particulier la formation. Fan des Newell's Old Boys depuis son plus jeune âge, il en est un défenseur sans talent de la saison 1977-1978. Mais il en a révolutionne le recrutement dans les années 80 grâce à un quadrillage et un fichage maniaque du territoire argentin, arpenté à bord d'une Fiat 147. On lui confie en 1990 les rênes de l'équipe première. Résultat: deux titres de champion d'Argentine et une finale de Copa Libertadores, la Ligue des Champions sud-américaine. 

Un stade à son nom

Son passage au Newell's a tant marqué le club que le stade a été rebaptisé à son nom en 2009! En 1992, il expatrie pourtant sa personne et son football au Mexique. Pour appliquer ses préceptes de formateurs, et rien de plus, à l'Atlas Guadalajara. Après maintes demandes de la présidence du club, il accepte de coacher l'équipe première. Les résultats sont rapidement au rendez-vous malgré le manque de moyens et on le recrute pour s'occuper de l'équipe phare du championnat, le Club America. Mais il n'y reste qu'une saison et se voit limoger en 1996 après quelques mauvais résultats. Le retour en Argentine, au Vélez Sarsfield, en 1997, se solde immédiatement par un nouveau titre de champion. 

L'audit minutieux qu'il a mené à l'Olympique de Marseille avant de s'engager est à l'image de l'exigence du personnage et du surnom gagné à Newell's, "El Loco" ("le fou"). Il posséde des (dizaines de) milliers de vidéos de football - "Je regarde trois matches par jour minimum et pas pour le plaisir". Méthodique, doté d'une force de travail hallucinante, il développe chez ses joueurs - qu'il vouvoie - la capacité à tenir deux postes différents dans des dispositifs... sans équivalent à ce niveau. Tel des 3-2-2-3 ou 3-3-1-3: on peut se demander si la seule limite n'est pas que l'addition fasse 10! 

Un entraîneur qui marque ses joueurs

Avec lui, les jeunes ont souvent leur chance... s'ils respectent bien les consignes édictées. Marcelo ne plaisante pas là-dessus. Les habitudes vont en tout cas changer à la Commanderie avec cet obsédé du détail et du travail. A commencer par la teneur des entraînements, aussi intenses que tactiques. "Parfois, on ne voyait jamais les attaquants et les milieux de terrain, a raconté son défenseur en sélection argentine, Roberto Ayala. On s'entraînait tous séparément, avec des ateliers très spécifiques. Du coup, cela renforçait nos liens entre défenseurs. C'est quelqu'un de très novateur, sûrement l'un des coaches duquel j'ai le plus appris." 

Face aux monstres financiers PSG et Monaco, le président Vincent Labrune rêve de le voir booster le jeu marseillais et la formation des jeunes, à l'instar de Jürgen Klopp au Borussia Dortmund. Il y a cependant un risque. Bielsa n'a jamais tenu plus de deux saisons dans le même club, entre charges de travail harassantes et incapacité à lever le pied de temps en temps. "Mentalement, il te vide", a confié Fernando Llorente après le passage de Bielsa à Bilbao. Les clubs qu'il a entraînés ont cependant toujours profité après son départ des principes qu'il avait inculqué. Le pari de Labrune est celui-ci: la révolution Bielsa aura de toute façon du bon. 

 

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