Ludovic Subran : « Le Venezuela et l’Argentine sont au bord d’une …

Les sanctions contre la Russie ont un coût pour les exportateurs occidentaux. Est-il facile à absorber ?

En année glissante, à fin mars, le manque à gagner d'exportation est de 1,7 milliard d'euros pour les entreprises françaises, du fait notamment de commandes annulées. Ce même coût pour l'ensemble de l'Europe est de 16 milliards [France incluse, NDLR]. En juin, il pourrait atteindre 34 milliards, dont 3 milliards pour la France. Les Allemands parviennent à dévier beaucoup de leurs exportations initialement destinées à la Russie. En revanche, ils restent très exposés sur leurs actifs et leurs investissements. Ce reroutage des exports n'est possible que pour des produits transformés qui peuvent être repackagés et envoyés vers un autre marché, souvent en Europe de l'Est. Beaucoup d'entreprises, notamment dans les matières premières non transformables ou les biens d'équipement, sont dans une situation d'autant plus complexe qu'aux sanctions s'ajoute la baisse du rouble. Elles doivent donc en plus supporter un risque de change. C'est le cas notamment pour le secteur de l'habillement italien. Pour autant, je ne crois pas à une escalade politique des sanctions, comme la chute du système de paiement. Vladimir Poutine n'a pourtant pas dit son dernier mot et pourrait décider d'instaurer un contrôle des capitaux, mettre en place des licences à l'importation ou interdire de rapatrier des dividendes. Le pire serait évidemment une confiscation des actifs d'entreprises. Ils peuvent, par exemple, gêner les Français dans les équipements industriels.

Quatre pays sont à éviter en 2015, la Russie et l'Ukraine, mais aussi le Venezuela et, plus inattendu, l'Argentine. Pourquoi ?

Le Venezuela et l'Argentine ont ceci de commun qu'ils sont l'un et l'autre au bord d'une explosion sociale ; ils ont également chacun une dette libellée en dollars et celui-ci s'apprécie chaque jour. Au-delà de ce double dénominateur commun, leurs situations sont radicalement différentes. Le Venezuela de Nicolas Maduro ne produit quasiment plus rien et est donc obligé de tout importer. Il n'a plus de liquidités. Alors que l'Argentine doit desserrer un peu l'étau de ses importations en levant certaines licences. Pour l'un et l'autre de ces pays, je ne vois plus de retournement possible, d'ailleurs beaucoup d'entreprises ne veulent plus en entendre parler.

La baisse du prix de l'énergie va créer une vraie déflation dans les échanges. Est-ce qu'on arrive à la mesurer ?

L'impact en 2015 sur les échanges mondiaux sera, selon nous, de 400 milliards de dollars alors qu'il y a à peine trois ans, en 2012, sa contribution était positive de 150 milliards. L'écart est énorme. Cette baisse donne, bien sûr, du revenu supplémentaire aux ménages et permet aux entreprises de reconstituer leurs marges. Dans le transport routier, on estime que ce changement donne entre 1 et 1,5 point de marge supplémentaire. Mais les secteurs industriels comme la chimie ou la pétrochimie souffrent car l'effet déflationniste est ressenti sur toute la chaîne en aval. A cet effet énergie, s'ajoute celui du glissement de l'euro qui a, bien sûr, un effet sur les échanges exprimés en valeur. Enfin, les pressions déflationnistes se retrouvent aussi dans l'incapacité des entreprises à transmettre le prix de leur innovation et de leurs investissements à leurs clients. Dans l'électronique, en Asie, ils veulent ainsi plus de fonctionnalités pour moins cher.

Michel De Grandi, Les Echos

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