Sans le savoir bien souvent, les automobilistes européens roulent avec de l'huile de colza dans le moteur. Mais aussi avec de l'huile de soja et même de l'huile de palme ! Depuis que Bruxelles a fixé l'objectif d'incorporer, d'ici 2020, 10% de carburants d'origine végétale aux côtés des carburants d'origine fossile comme le pétrole et le gaz - pour tenter de diminuer les émissions de gaz à effet de serre -, le gasoil à la pompe est mélangé à du biocarburant fabriqué à partir d'huiles végétales, c'est le fameux biodiesel.
Des champs de colza aux usines de biodiesel, toute une filière s'est constituée en Europe, une centaine de milliers d'emplois aujourd'hui, à grand renfort de subventions. C'est pourquoi ni l'industrie européenne du biodiesel ni Bruxelles ne voient d'un bon oeil le déferlement des importations de biodiesel argentin, fabriqué à partir de soja, ou du biodiesel indonésien fabriqué avec de l'huile de palme. Ces deux origines cumulées fournissent aujourd'hui un quart du biodiesel consommé en Europe, contre seulement 9% en 2009. Bruxelles considère qu'il s'agit d'une concurrence déloyale. Il est vrai que l'Argentine et l'Indonésie favorisent les exportations de leur biodiesel en l'exemptant de taxes, alors qu'elles imposent au contraire des taxes importantes sur l'huile de soja ou l'huile de palme non transformée.
Les sanctions européennes étaient prévisibles depuis que Bruxelles avait ouvert une enquête. Dans l'expectative, les importateurs européens avaient déjà marqué une pause dans leurs achats de biodiesel argentin - ce qui s'est ajouté au ralentissement des commandes dues à la baisse de consommation de carburants en Europe, du fait de la crise. Les exportations argentines de biodiesel étant destinées à 80% à l'Europe, elles ont baissé de moitié depuis le début de l'année ; l'industrie du biodiesel en Argentine tourne au ralenti. Buenos Aires a déjà déposé un recours devant l'Organisation mondiale du commerce. L'Indonésie s'apprête à faire de même. Pour l'industrie européenne du biodiesel, c'est une bonne nouvelle alors qu'elle voit son intérêt écologique fortement remis en cause, y compris par Bruxelles, qui envisage de baisser le taux d'incorporation des biocarburants de première génération, l'éthanol et le biodiesel.