Juan Mabromata/AFP La présidente argentine Cristina Kirchner, le 20 novembre 2013 à Buenos Aires
Sur un continent latino-américain réputé machiste, plusieurs "Premières dames" ne se contentent plus de demeurer dans l'ombre de leur président de mari mais aspirent à prendre les rênes du pouvoir, à l'instar de Cristina Kirchner en Argentine.
Dimanche au Honduras, Xiomara Castro, épouse de Manuel Zelaya, renversé par un coup d’État en 2009, briguera au nom d'un parti de gauche les suffrages de ses compatriotes lors d'une élection présidentielle.
La tendance des épouses de présidents à tenter de reprendre le flambeau de leur mari est de plus en plus répandue en Amérique latine, où, en outre, plusieurs pays sont - ou ont été - déjà dirigés par des femmes (Brésil, Costa Rica, Chili, Nicaragua, Panama, Argentine).
Cristina Kirchner a ainsi succédé à Nestor en 2007. Veuve depuis 2010, elle a été réélue en 2011. Mais Cristina, comme l'appellent les Argentins, était déjà une dirigeante politique de premier plan lors de l’accession au pouvoir de son mari, en 2003. D'autres ont un rôle plus difficile à évaluer.
Orlando Sierra/AFP Xiomara Castro, candidate à la présidentielle au Honduras, lors d'un meeting de campagne, le 13 novembre 2013 à Siguatepeque
"Il est difficile de mesurer l'influence d'un partenaire sur l'autre. Que se passait-il quand Nestor Kirchner était vivant et que Cristina était présidente ? Qui décidait ? On ne peut pas savoir", explique Carlos Malamud, de l'institut Elcano, en Espagne.
"L'unique contrepoids sont les institutions. Plus elles sont fortes, moins l'ingérence familiale a de poids", ajoute-t-il.
"Il n'y a qu'un fauteuil"
Au Honduras, Mme Castro n'occulte pas que cela fait "37 ans qu'elle partage (sa) vie avec" l'ancien président Zelaya, mais "en définitive, les décisions, je les prends moi. Il n'y a qu'un fauteuil et c'est moi qui l'occuperai", a-t-elle déclaré à l'AFP.
Leo Ramirez/AFP Le président du Nicaragua Daniel Ortega et sa femme Rosario Murillo, le 19 avril 2013 à Caracas
Voisin du Honduras, le Nicaragua est présidé par l'ancien guérillero Daniel Ortega. Mais la Première dame Rosario Murillo est considérée comme celle exerçant "le pouvoir derrière le trône".
Ses proches assurent mezzo voce qu'elle dirige les ministères et les organismes publics tout en distribuant bons points et punitions à ceux qui ne se plient pas à ses orientations.
Mais les formes sont respectées et officiellement, les décisions sont prises par le président, qui a toutefois déclaré se partager avec son épouse le pouvoir à 50/50.
Il semblerait toutefois qu'elle se contente pour l'heure de son rôle d'éminence grise, le Parlement nicaraguayen cherchant actuellement à modifier la Constitution pour permettre la réélection de Daniel Ortega.
Plus au sud, l'irruption de Nadine Heredia sur la scène publique, épouse du président du Pérou Ollanta Humala, comme l'une des figures les plus populaire du pays en font une candidate potentielle à la succession de son mari, en 2016.
Un sondage de la revue Semana Economica l'a distinguée deuxième personne la plus puissante du pays derrière M. Humala, devant tout le personnel politique.
Cris Bouroncle/AFP Le président péruvien Ollanta Humala et sa femme Nadine Heredia, le 29 juillet 2013 à Lima
Mme Heredia ne nie pas ses ambitions présidentielles, tout en rappelant que la Constitution lui interdit de prendre la succession de son mari.
Pour contourner cette mesure également appliquée dans d'autres pays du sous-continent, certaines n'ont pas hésité à prendre des mesures drastiques.
Au Guatemala, Sandra Torres a divorcé en 2011 du président de l'époque, Alvaro Colom, pour lancer sa propre candidature à la présidentielle de la même année. La justice l'ayant toutefois empêchée de concourir, elle envisage de se présenter en 2015.
"Gouvernement familial"
Au terme de "couple présidentiel" utilisé après l'accession à la présidence de Cristina Kirchner en Argentine s'ajoute désormais celui de "gouvernement familial", utilisé par le Péruvien Humala pour qualifier l’influence de son épouse.
L'universitaire et constitutionnaliste péruvien Enrique Bernales ne voit aucune irrégularité au fait de gouverner avec sa conjointe, celle-ci acquérant même ainsi une expérience précieuse à l'heure de développer son propre projet.
"N'importe quel président masculin, marié, gouverne avec l'aide de sa femme. C'est comme ça partout dans le monde. L'épouse n'est pas un élément de décoration, une poupée", estime-t-il.
D'autres Premières dames, comme en Uruguay ou au Salvador, sont élues ou très impliquées en politique, mais sans avoir jusque-là fait montre de leur intention de postuler à la charge suprême.
Déjà dans les années 50, le président argentin Juan Domingo Peron bénéficiait de l'énorme popularité de sa deuxième épouse, Eva Duarte, alias "Evita. Et sa troisième femme, Isabel Martinez, a dirigé le pays dans les années 70, avant d'être renversée par un coup d’État en 1976.
Le principal problème survient, mettent en garde les analystes, quand se met en place une stratégie "pour instaurer une sorte de réélection indéfinie en faisant se succéder maris et épouses éternellement".
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