C’est un rituel. Tous les mois depuis sept ans, le directeur de l’Agence fédérale des impôts (Afip) argentine, Ricardo Echegaray, tient une conférence de presse pour annoncer les recettes fiscales et leur évolution au cours de l’année. Le 4 mai dernier, il animait ainsi sa 126e conférence.
En parallèle, le service de communication de l’Afip, constitué de 17 fonctionnaires, dont 4 rédacteurs d’un Journal fiscal destiné au grand public, relate par courriels envoyés à plus de 4 000 personnalités les hauts faits de l’agence : saisies de drogue aux douanes, fermetures de commerces frauduleux, inculpations de joueurs de football impliqués dans des transferts illicites, et même le départ à la retraite de chiens renifleurs de la douane… “Nous sommes devenus une agence de communication à part entière, confirme Adriana Pintabona, l’attachée de presse de Ricardo Echegaray. Autrement, comment les citoyens sauraient-ils ce que nous faisons ?” “Les affaires que nous sortons font toutes l’objet d’une procédure judiciaire, car nous préservons le secret fiscal”, précise-t-elle.
Ex-directeur de l’organisme de contrôle du commerce agroalimentaire, poste clé en Argentine, qui reste le “grenier du monde”, Ricardo Echegaray est un homme médiatique de premier plan. “C’est le seul membre de l’exécutif qui parle en public sans consulter au préalable la présidente de la République [Cristina Fernández de Kirchner, ndlr]”, souligne la correspondante de Bloomberg à Buenos Aires, Silvia Martinez.
Remboursement de la dette
Debout derrière son pupitre, flanqué du secrétaire d’État au Trésor public, Juan Carlos Pezoa, Ricardo Echegaray commente d’un ton pédagogue le détail de sa levée d’impôts, depuis la TVA jusqu’aux taxes douanières, en passant par les cotisations sociales. Il traite ainsi des sujets sensibles comme de l’inflation, préoccupation majeure des Argentins. Par exemple, le montant total des recettes fiscales prélevées en avril a été de 11,3 milliards d’euros, en hausse de 21 % par rapport au même mois de l’an dernier, ceci, d’ailleurs, davantage à cause de l’inflation que d’une réduction de l’évasion fiscale.
Les recettes du Trésor renseignent aussi sur la capacité de l’État à payer sa dette extérieure, donnée précieuse dans le cadre du conflit entre l’Argentine et les “fonds vautours” [lire notre article “La communication gagnante du gouvernement argentin face aux fonds vautours”]. Cette conférence de presse organisée au siège de l’Afip, place de Mai, à Buenos Aires, permet également d’annoncer des mesures de nature politique, comme dernièrement celle d’une décote de l’impôt sur le revenu pour certains salariés, dont les voix pèseront aux élections présidentielles d’octobre prochain.
Les 42 millions d’Argentins jouissent d’un territoire de 2,78 millions de km2 (sept fois la superficie de la métropole française), immensément riche en terres fertiles, ressources minières et pétrolifères. Si l’évasion fiscale était presque nulle, les Argentins figureraient parmi les citoyens les plus riches au monde.
Corruption
Mais le pays est aussi celui qui fait faillite en moyenne tous les dix ans au cours du XXe siècle. La dernière fois, en 2002, l’Argentine a laissé une ardoise de 100 milliards de dollars à des créanciers étrangers, une dette effacée à 80 % d’un revers de manche par l’ancien Président Néstor Kirchner. À longueur d’année, les médias conservateurs dénoncent des cas de corruption, avérés ou pas, pour démontrer que “les impôts sont néfastes car l’argent prélevé n’arrive pas toujours à ses destinataires”.
Sans cesse critiquée, l’Afip se défend donc en communiquant. Un effort de transparence qui a ses limites. Acteurs publics a sollicité, puis obtenu un entretien avec Ricardo Echegaray. Ce dernier l’a repoussé par trois fois, puis finalement annulé.
Marc-Henry André, à Buenos Aires