La politique argentine est, comme la nôtre, un théâtre d'ombre: la vraie droite et la fausse gauche feignent de s'y affronter en un combat réglé où aucune transgression n'est permise aux règles d'or (ou faut-il dire d'airain ?) du capitalisme globalisé.
Les trois principaux candidats (Scioli, Macri et Massa) sont tous les trois issus de la bourgeoisie locale (Macri est le fils de l'affairiste Franco Macri, le père de Scioli était un entrepreneur qui devint un important investisseur dans la télévision privée, et Massa un enfant de la bonne bourgeoisie de Belgrano) et ils sont tous trois entrés en politique par la Droite (l'UCD d'Alsogaray pour Massa, le ménémisme pour Scioli et Macri).
Une même anecdote révélatrice est racontée dans plusieurs ouvrages consacrés aux différents candidats: lorsque Menem dans les années 90, s'était très absurdement mis en tête de transformer l'ancien chanteur yé-yé Palito Ortega en candidat présentable à la présidentielle, il avait muni ce pauvre Palito d'une équipe de conseillers dont étaient membres Scioli, Massa et Larreta (le bras droit de Macri devenu récemment son successeur à la tête de la municipalité de Buenos Aires).
Tous les trois sont des politiciens « modernes » adeptes du marketing politique calibré et d'une « communication » démagogique, insipide et cynique.
Ni Scioli ni Macri n'ont produit la moindre proposition programmatique de fond; la palme de l'oecuménisme brouillardeux revient à Scioli qui a récemment déclaré: « il faut poursuivre ce qui doit être poursuivi, changer ce qui doit être changé et approfondir ce qui doit être approfondi » (sic) et la palme de la girouette politicienne à Macri qui, après avoir combattu l'AUH et les nationalisations d'YPF et d'Aerolineas Argentinas, a déclaré récemment qu'il maintiendrait tous ces acquis de la gestion kirchnériste... au point de déclencher l'incompréhension chez les membres de son parti PRO; ce que résumait ironiquement un petit dessin de Pagina/12 "Personne ne croit ce que raconte Macri, sauf les gens du PRO et ils sont furieux".
Quant à Massa, il se contente de gérer son fond de commerce à deux branches: le tout-sécuritaire et les retraités.
Tous les trois sont également des purs produits de l'époque du « farandulismo » (ce que l'on appelle chez nous pipolisation): Scioli met en volontiers en scène son épouse, l'ex-mannequin Karina Rabolini; Macri ne manque pas une occasion de faire peuple en rappelant son passé de président de Boca Juniors (l'instrumentalisation du football professionnel au service de la démagogie politique n'est pas le monopole de Bernard Tapie) et sa très belle épouse (fille de l'entrepreneur textile Awad) l'accompagne autant que de besoin sur les photos des magazines. Quant à Massa, madame n'est non plus jamais très loin des objectifs, et ce type qui n'a jamais bossé de sa vie joue au jeune manager dynamique avec un culot digne du Nicolas Sarkozy des années 90.
Enfin, à les écouter parler quelques minutes on se rend aisément compte que contrairement, par exemple, à Felipe Sola ou Roberto Lavagna, tous les trois sont parfaitement incultes tant en littérature qu'en sciences, et ne connaissent que très superficiellement leurs dossiers (tout comme Hollande, Sarkozy ou Valls chez nous.) Macri est censé avoir un diplôme d'ingénieur, mais je suppose qu'il l'a trouvé dans un paquet de Bonux, quant à Massa, tout comme Sarkozy Junior, il est entré en politique sans avoir eu le temps de terminer ses études...
Bref tous les trois sont d'excellents candidats à la présidence de la République Argentine (qui de Roca ou Celman à Menem en passant par Peron a connu bien pire, mais ce n'est pas une excuse, me semble-t-il.)
Maintenant que je vous ai copieusement édifié sur ce qui les rapproche (je sais, ce n'est pas ma semaine de bonté...), je vous expliquerai dans un prochain papier ce qui les distingue.