Nous avons fait nos adieux définitifs à l'Argentine à Salta, au nord. La ville, encaissée au milieu de montagnes de taille raisonnable, vaut le détour, ne serait-ce que pour le téléphérique qui permet - outre un panorama superbe - une pause bucolique au milieu des arbres et des fontaines. Direction le Chili et San Pedro de Atacama, un village qui a connu une expansion colossale grâce au tourisme, devenant le poumon touristique du nord du pays. Le bus est une solution intéressante pour traverser la frontière, comme partout en Amérique du Sud. Cependant, mieux vaut éviter la compagnie Andesmar, dont les conducteurs dépassent régulièrement la vitesse autorisée sur les étroites routes andines (lesquelles sont une mise à l'épreuve à ne pas manquer pour toute personne souffrant de vertige).
Perché à 2438 mètres d'altitude, surveillée par le volcan Licancàbur (5916 mètres), San Pedro de Atacama vit du tourisme et l'assume. Il y a tant de "tours operadors", de boutiques de souvenirs et de restaurants à la cuisine "continentale" qu'il ne faut pas avoir peur de vadrouiller longuement pour trouver une enseigne locale. Des tours vers les sites naturels alentours partent quotidiennement, et l'apparente concurrence entre toutes les entreprises concernées s'effrite vite devant des tarifs sensiblement uniformes où que l'on s'adresse. Le coût de la vie à San Pedro de Atacama est pratiquement aussi élevé qu'en France, qu'il s'agisse du séjour à l'hôtel (les dormitorios coûtent autant que nos auberges de jeunesse) ou des frais de bouche, en restaurant comme au supermarché. Les avocats, pourtant issus de productions bien plus proches - quand nous les importons du Pérou ou des cultures palestiniennes exploitées par Israel - reviennent pratiquement à un euro pièce.
Notre budget étant limité, nous avons dédié seulement trois jours complets à Atacama. Nous avons fait le tour de la Vallée de la Lune, soit une vingtaine de kilomètres avec dénivelés, grotte de sel, canyon et panorama imprenable au coucher de soleil. Les volcans alentours jouent avec la lumière qui se reflète sur la cordillère de sel, et les variations de couleurs sont époustouflantes. Nous avons pris le parti de le faire à vélo plutôt qu'en tour-bus, une décision incontestablement heureuse bien que la fierté du chemin accompli peine à calmer les courbatures et une selle de VTT rigide et invasive. Le deuxième jour, ayant une certaine marge sur notre seuil de douleur, nous avons opté pour une après-midi de sandboard dans la Vallée de la Mort.
Simon, 24 ans, fait office de chauffeur, moniteur, animateur et barman (avec un cocktail proposé devant le coucher de soleil en fin de journée). Il explique à chaque groupe que la Vallée de la Mort a plusieurs origines étymologiques difficiles à départager. Ce pourrait être du fait des animaux des caravanes qui mourraient dans cette zone aride juste avant d'atteindre San Pedro de Atacama. Il assure dans un sourire qu'il n'est pas exclus non plus que la vallée aie pris ce nom "juste pour attirer les touristes". Elle le porte cependant bien au pic du soleil.
Après avoir sympathisé, il nous invite dans sa maison le soir. Et nous découvrons le vrai San Pedro de Atacama, celui des chiliens. Les rues restent de terre battue, mais sans rabatteur de tout ce qui est monnayable ni cohorte d'européens en bob et teint écrevisse (la caricature est facile, la réalité similaire). De petites maisons aux murs épais, car les nuits peuvent êtres très froides, et aménagées sobrement, des jeunes locaux à vélo et un éclairage public bien plus aléatoire. Simon nous raconte à cette occasion combien le Chili a lutté pour que San Pedro de Atacama lui appartienne, le village ayant été propriété des boliviens. Je reviendrai sur cette controverse dans un prochain billet après m'être mieux documenté.
C'est au retour de cette soirée, qui ponctuait notre séjour chilien, que nous avons vu ce qui restera certainement la plus belle impression de ce pays : son ciel. Des milliers et des milliers d'étoiles scintillantes à en avoir les yeux qui brûlent, des constellations en nombre visibles à l'oeil nu, des étoiles filantes. Le ciel d'Atacama, gratuit et disponible 365 jours par an, suffit à justifier un séjour chilien.