Les bons contrats d’Arianespace

La fusée européenne Ariane 5 lance deux nouveaux satellites de télécommunication pour l’Australie et l’Argentine, son 226ème tir. L’Argentine, qui a de fortes ambitions spatiales, réserve à Arianespace trois tirs supplémentaires d’ici 2023, ce qui conforte encore davantage le carnet de commande du Centre Spatial Guyanais.

N’en déplaise aux nouvelles stars de l’espace, les Américains Elon Musk et Greg Wyler, qui souhaitent banaliser le lancement de satellites dans l’espace et encercler la terre de constellations bon marché, le marché « traditionnel » des satellites de télécommunication semblent avoir encore de beaux jours devant lui. Les deux lancements prévus ce mercredi 30 septembre vers 22h30 à Kourou en Guyane pour le compte de l’Australie et de l’Argentine en témoignent. D’autant que l’Argentine vient de signer le même jour un nouveau contrat pour confier à Arianespace le lancement des trois prochains satellites qu’elle compte construire, via la société argentine Invap.

Tant pour l’Australie que pour l’Argentine, les enjeux politiques liés au lancement de leurs satellites de télécommunication montrent à quel point l’espace est encore une affaire d’Etat, même si les Google et autres Gafa souhaitent en faire un simple espace commercial. Dans le même tir Ariane, les deux satellites qui seront placés en orbite géostationnaire à 36 000 kms de la terre, déchainent les passions dans leurs pays respectifs.

Nouveaux satellites argentins

Côté australien, le satellite Sky Muster doit « changer la donne en Australie », comme le résume la porte-parole de l’opérateur public NBN (National Broadband Network), Karina Keisler. Sky Muster va permettre d’étendre l’internet à haut débit à toute l’Australie et aux îles Norfolk, Christmas, Macquarie et Cocos.

Alors que les grandes villes sont peu à peu équipées en fibre optique, « Sky Muster » doit permettre de connecter quelque 400.000 habitants isolés, qui vivent dans le Bush australien. Très vite, NBN espère pouvoir conclure au moins 200.000 abonnements rapidement.

Société publique, NBN déploie un programme d’investissements de 49 milliards de dollars sur 10 ans pour faire de l’Australie un champion de la connexion internet à haut débit, un programme ambitieux d’investissements qui fait l’objet d’une rude bagarre politique, en raison de son coût élevé (29,5 milliards à la charge du budget public).

Les opposants libéraux ont ainsi beaucoup pointé du doigt le coût de Sky Muster (2 milliards de dollars pour 2 satellites et une dizaine de stations de réception au sol). Trop cher pour des fermiers isolés, soulignent-ils. Mais le nouveau Premier ministre, Malcolm Turnbull tient bon et souligne qu’Internet apportera aux familles les plus isolées des services fondamentaux, en terme d’éducation et de santé.

Côté argentin, le lancement du satellite de télécommunication Arsat 2 intervient quelques semaines avant les élections, alors que la présidente Kristina Kirchner a fait du développement d’une industrie spatiale nationale un élément fort de son programme politique. La société Invap a construit ce satellite et compte encore en développer une petite dizaine. A Kourou mercredi, toute la presse argentine était conviée pour fêter cette réalisation nationale.

Arsat 1 a été lancé par Ariane il y a un an pour couvrir le pays et Arsat 2 a l’ambition de couvrir toute l’Amérique latine, notamment pour distribuer les chaînes de télévision argentines sur le continent, mais aussi pour offrir un accès internet pour la réception sur les antennes VSAT (un type d’antenne parabolique), ainsi que des services de transmission de données et de téléphonie IP.

En outre, histoire de prouver que l’Argentine compte bien devenir un acteur important dans les satellites, la compagnie Arsat a signé un contrat pour le lancement d’un nouveau satellite en 2019 et pour deux autres satellites à venir d’ici à 2023, tandis que les gouvernements argentin et français ont signé un protocole de coopération spatiale. « Notre but est de construire de plus en plus de satellites pour l’Argentine et le reste du monde», a souligné le dirigeant d’Arsat Mattias Bianchi.

Carnet de commandes rempli

Pour Arianespace, cet accord renforce la visibilité de son carnet de commande. Alors que le Centre Guyanais de l’Espace enchaîne les tirs au rythme de 12 lancements par an, ce contrat est le dixième conclu en 2015 pour la fusée Ariane 5. Avec ses trois types de lanceurs en exploitation à Kourou, Ariane 5 pour les satellites les plus lourds, le lanceur moyen Soyuz et le lanceur léger Vega, Arianespace a signé au cours des deux dernières années près de la moitié des contrats de service de lancement commerciaux ouverts sur le marché mondial. La société dispose aujourd’hui d’un carnet de commande de plus de 70 satellites à lancer, ce qui donne au centre de Kourou du travail jusqu’à la fin 2018.

Comme le résume Jean-Yves Le Gall, le patron du Cnes, qui exploite le port spatial de Kourou, l’activité de lancement dans les années à venir ne risque pas de manquer de clients, entre d’une part, les projets de constellation en orbite basse portée par les maîtres américains de l’Internet, et surtout l’ambition de pays émergents, comme l’Argentine de développer des satellites souverains.

Arianespace a la chance de marcher sur les deux jambes. Aujourd’hui elle travaille pour des projets d’Etat mais elle a aussi conclu affaire avec Oneweb pour 21 lancements avec la fusée Soyouz depuis la Guyane. Entre 2017 et 2019, si tout se déroule comme prévu.

Envoyée spéciale en Guyane

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