En 2012, 26 des 189 pays membres du Fonds monétaire international (FMI) avaient une inflation à deux chiffres. En 2013, le FMI a prévu que le nombre de ces mauvais élèves fût ramené à 16. Dans ce classement, le Venezuela et l'Argentine occupent, depuis des années, une place de choix.
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Le Venezuela a explosé les records d'inflation. Evaluée à 21,1 % en 2012 par le FMI, celle-ci y a atteint 56,2 % en 2013, de l'aveu des autorités. Cette contre-performance latino-américaine et mondiale a conduit le président Nicolas Maduro à annoncer, lundi 13 janvier, une augmentation de 10 % des retraites et du salaire minimum, qui devrait atteindre environ 520 dollars (381,8 euros) par mois.
Avec des accents dignes de son prédécesseur à la présidence, Hugo Chavez, M. Maduro a redit, lundi, que cette inflation « criminelle », quasi triple de celle de 2012, résultait « de la guerre économique » menée contre son gouvernement par « la droite et la bourgeoisie internationale ».
FLAMBÉE DES PRIX
Nombre d'économistes y voient plus prosaïquement le fruit, entre autres, du contrôle des changes instauré en 2003 et de la parité fixe imposée sur le dollar. Le billet vert a atteint jusqu'à dix fois le taux officiel sur les marchés parallèles. Et, analyse Daniela Ordonez (COE-Rexecode), comme le Venezuela s'est reposé sur ses lauriers de pays producteur de pétrole et qu'il s'est désindustrialisé de façon accélérée depuis une dizaine d'années, de nombreux biens de consommation et d'équipement, mais aussi des produits alimentaires, doivent être importés (et réglés en dollars).
L'inflation importée, combinée aux diverses pénuries dont souffrent les Vénézuéliens – la plus célèbre étant celle de papier toilette –, est la première cause de la flambée des prix. L'autre source de pressions inflationnistes est la politique monétaire conduite par la Banque centrale pour contenir un déficit public important (4,5 % du produit intérieur brut selon les autorités, mais 15 % selon le FMI).
Pour Carlos Quenan (Natixis), le pays est proche d'une situation de « dérapage inflationniste dangereux où tout pousse les prix à la hausse : la très forte création monétaire, la dévaluation du bolivar en 2013, mais aussi la rareté des biens ». « Tout laisse présager, ajoute-t-il, une nouvelle dépréciation de la devise nationale. »
Fin 2013, le président Maduro a annoncé la baisse forcée des tarifs de nombreux produits (électroménager, appareils électroniques, vêtements, pièces détachées automobiles…). Selon la Banque centrale, cette politique a permis de ramener l'inflation de 5,1 % en octobre à 2,2 % en décembre 2013. Mais, compte tenu de l'absence de fiabilité des statistiques vénézuéliennes, ces chiffres sont à prendre avec des pincettes.
L'Argentine, qui, depuis sa faillite en 2002, n'a plus accès au marché des capitaux et finance son déficit par de la création monétaire, n'est pas dans une situation aussi « catastrophique », mais l'inflation y reste très élevée : 10,9 % selon les autorités, autour de 28 % sur des instituts d'études privés.
« Dans ces deux pays, l'interventionnisme de l'Etat a généré des distorsions énormes. Le contrôle des changes et des prix relève de modèles économiques qui ne marchent plus », estime Mme Ordonez. Sans nier ces déséquilibres, parmi lesquels figure la quasi-disparition des réserves de change argentines, M. Quenan (Natixis) juge la situation économique moins grave en Argentine.
REVENDICATIONS SALARIALES
« Le haut comité de la Banque centrale argentine a été renouvelé en novembre 2013. Les autorités essaient, par une dévaluation accélérée, de faire converger les taux de change, l'officiel et le parallèle, et s'efforcent d'imposer une plus grande discipline budgétaire », précise-t-il.
La première chose à surveiller, dans les mois prochains, sera la réponse qui sera apportée aux revendications salariales. Le gouvernement de centre-gauche a aussi imposé des mesures restées jusqu'ici inefficaces : au gel des prix de la grande distribution en 2013, s'est s'ajouté, le 1er janvier, le contrôle des prix de quelque 200 produits de consommation courante dans les supermarchés.
Avec son inflation à 5,9 %, le Brésil ferait presque figure de bon élève. « Le pays a un problème d'inflation par les coûts ; les pénuries de recrutement y sont importantes et poussent les salaires et les prix à la hausse. Il souffre d'un manque d'investissement », estime François Faure, responsable des émergents et du risque pays à BNP Paribas.
Le développement brésilien est freiné par des goulets d'étranglement. Les capitaux ont afflué dans ce pays, le premier des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), et ils ont stimulé la demande. L'offre interne ne suit pas, faute d'investissement et de développement productif. Le resserrement monétaire en cours devrait aider à réduire l'inflation – mercredi 15 janvier, la banque centrale a relevé de 0,5 %, à 10,5 %, son taux directeur –, mais au prix d'une moindre croissance.