BUENOS AIRES, Argentine - L'Argentine a entamé, mardi, le procès longuement attendu de l'opération Condor, une conspiration lancée dans les années 1970 par le dictateur chilien Augusto Pinochet pour rallier les dictateurs sud-américains afin de combattre leurs opposants de gauche à travers le monde.
Parmi les 25 accusés figurent deux anciens dirigeants de la junte argentine, Rafael Videla, 87 ans, et Reynaldo Bignone, 85 ans, qui purgent tous les deux des peines de prison à vie pour les multiples violations des droits de la personne commises durant la dictature, de 1976 à 1983. Cette fois-ci, ils sont notamment accusés d'association criminelle, d'enlèvement et de torture.
Un autre accusé est un ancien colonel militaire de l'Uruguay, Manuel Cordero, qui aurait torturé des prisonniers dans un centre de mécanique de Buenos Aires où de nombreux militants de gauche étaient emmenés pour être interrogés sur ordre du gouvernement de leur pays d'origine.
Plus de 400 témoins devraient être appelés à la barre dans le cadre de ce procès de deux ans, qui implique 106 victimes d'au moins quatre pays tuées en Argentine. Le procès concerne aussi trois Argentins tués au Brésil.
L'une des pièces maîtresses de la preuve est un câble déclassifié d'un agent du FBI américain, envoyé en 1976, qui décrit en détail la conspiration visant à partager des renseignements et à éliminer les militants de gauche dans toute l'Amérique du Sud.
La conspiration est allée beaucoup plus loin: le gouvernement américain a déterminé par la suite que des agents chiliens impliqués dans l'opération Condor avaient tué l'ancien ambassadeur chilien à Washington, Orlando Letelier, ainsi que sa collaboratrice américaine, Ronni Moffitt, en septembre 1976. Les agents chiliens ont aussi traqué d'autres exilés à travers l'Europe pour tenter de les éliminer, selon le gouvernement américain.
L'opération Condor a pris de l'ampleur pour inclure les gouvernements militaires de six pays: le Chili, l'Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay.
Puisque dans plusieurs cas, les corps des victimes n'ont jamais été retrouvés, les procureurs argentins font valoir que le crime de dissimulation de leur mort continue encore aujourd'hui et que les limites de la prescription ne s'appliquent pas.
L'une des victimes est Maria Claudia Irureta Goyena, la belle-fille du poète argentin Juan Gelman, qui a été enlevée alors qu'elle était enceinte et détenue pendant des mois dans l'atelier de mécanique de Buenos Aires avant d'être emmené en Uruguay dans un avion militaire argentin. Elle a accouché dans ce pays, puis elle est disparue. Sa fille, Macarena Gelman, a découvert sa véritable identité récemment.